Le gouvernement français songe à réquisitionner des immeubles laissés vides par leurs propriétaires pour venir en aide aux dizaines de milliers de personnes qui dorment dans la rue ou dans des centres d'hébergement d'urgence.

La ministre du Logement, Cécile Duflot, a indiqué hier lors d'un entretien à la radio qu'elle utiliserait «tous les moyens nécessaires», dont les réquisitions, pour venir en aide aux sans-logis.

Elle a précisé que le gouvernement ciblerait les propriétaires privés et les investisseurs institutionnels qui laissent leurs immeubles vacants «pour des raisons de spéculation immobilière».

Mme Duflot s'est défendue de vouloir porter atteinte au droit à la propriété privée, arguant qu'il faut trouver une manière de le «mettre en équilibre» avec le droit au logement.

«Si on pense qu'il est plus juste de laisser un logement vide et une famille à la rue, eh bien, on peut le défendre, mais ce n'est pas ma position», a déclaré la politicienne.

Une loi française introduite en 1945 permet à l'État de réquisitionner des immeubles qui sont vacants depuis plus de huit mois pour une période limitée. Elle prévoit le versement d'une indemnité aux propriétaires touchés. L'État français a eu recours à cette pratique à quelques reprises par le passé, mais jamais à grande échelle.

Le recours aux réquisitions est préconisé depuis longtemps par des associations de défense du droit au logement comme Jeudi Noir, qui organise régulièrement des occupations symboliques de bâtiments vides.

«Il y a des paroles qui sont intéressantes, mais les paroles ne suffisent pas», a déclaré hier un militant de l'organisation, Christophe Driesbach, en marge d'une tournée des immeubles vides de la capitale, organisée pour les médias.

Batailles juridiques

Selon M. Driesbach, la réquisition est une manière efficace et abordable d'enrichir le parc de logements disponibles.

Son avis est contredit par le chercheur Julien Damon, qui ne croit pas du tout à l'efficacité de cette approche. Dans une entrevue au quotidien Le Monde, ce spécialiste de l'itinérance relève que le recours aux réquisitions «ne pourra jamais marcher» parce qu'il se traduit par «d'effroyables» contentieux juridiques et «décourage les investisseurs».

L'annonce de la ministre Duflot s'inscrit dans une série de mesures annoncées par le gouvernement pour contrer le «mal logement», qui touche plus de 3 millions de personnes en France, au dire de la fondation Abbé Pierre. Plus de 100 000 personnes sont à la rue selon l'organisation.

Un mécanisme de plafonnement des hausses de loyer en cas de relocation a notamment été introduit pour plusieurs zones urbaines sensibles. Un projet de loi prévoit par ailleurs de céder à faible prix, voire gratuitement, certaines propriétés de l'État pour faciliter la construction de logements sociaux.