Jimmy Savile, vedette de la télévision et de la radio britannique, est accusé d'actes de pédophilie par 300 victimes et décrit comme «l'un des pires délinquants sexuels de l'histoire du pays». Et la très sérieuse BBC est prise dans l'oeil du cyclone, rapporte notre collaborateur.

Avec sa longue tignasse blonde, devenue blanche au fil des années, son cigare, ses chaînes en or et ses improbables tenues multicolores, Jimmy Savile figurait jusqu'à sa mort, l'année dernière à 84 ans, comme l'une des vedettes britanniques du petit écran.

Des stars, à l'image de Benny Hill, comme seul le Royaume-Uni sait en produire. Pendant 30 ans, cet excentrique a ainsi occupé une place de choix auprès des jeunes grâce à sa présentation sur la BBC des émissions Top of the Pops (1964-1984) et Jim'll Fix It (1975-1994).

Par son ascension sociale - il était issu d'une famille pauvre du Nord industriel -, il incarnait aussi parfaitement l'Angleterre de la première ministre Margaret Thatcher, avec qui il a passé 11 fêtes du Nouvel An consécutives avant d'être anobli à la suite de son soutien, en 1990.

Depuis le 4 octobre, son image a pourtant volé en éclats. La chaîne publique ITV a diffusé ce soir-là un reportage dans lequel il est accusé de viols et d'actes pédophiles par cinq femmes, dont quatre ont témoigné de manière anonyme.

Toutes expliquent avoir été violées dans les années 60 et 70 à l'intérieur de la loge du présentateur, dans les studios de la BBC, après leur participation à l'une de ses émissions. Comme Jimmy Savile est mort, l'histoire aurait pu s'éteindre si ces révélations n'avaient pas poussé de nombreuses autres personnes à joindre les autorités pour des crimes similaires.

Scotland Yard a ainsi annoncé la fin de semaine dernière avoir enregistré plus de 200 témoignages contre l'ancien présentateur. Il a lancé une enquête officielle sur cette affaire «d'une échelle sans précédent» qui fait de l'ancienne vedette «l'un des pires délinquants sexuels de l'histoire du pays».

Hier, la police a annoncé avoir recensé 100 victimes possibles supplémentaires, parmi lesquelles figurent deux hommes.

La BBC blâmée

La vénérable BBC se retrouve à son tour prise dans cette spirale infernale, traitée à la une de tous les journaux nationaux depuis déjà une semaine. L'institution est tout d'abord critiquée pour avoir annulé, il y a déjà un an, la diffusion d'un reportage d'une de ses propres équipes à propos de ces accusations.

Plusieurs journalistes d'enquête avaient appris qu'une plainte avait déjà été déposée en 2007 contre Jimmy Savile (réfutée après l'interrogatoire de l'accusé pour cause de manque de preuves), filmé 10 témoignages de victimes et obtenu l'accord de leur responsable Peter Rippon pour diffuser leur documentaire d'une dizaine de minutes.

M. Rippon avait finalement changé d'avis, officiellement en raison du manque de preuves de son équipe; selon certains d'entre eux, c'est parce que le calendrier se serait révélé catastrophique puisque la chaîne BBC1 avait prévu de présenter pour son programme de Noël un hommage à Jimmy Savile... qui a bien eu lieu. Peter Rippon a été écarté de son poste le week-end dernier et il devra répondre à l'enquête interne lancée par la direction.

En attendant, le directeur général du groupe, George Entwistle, est passé lundi sur le gril du comité parlementaire britannique sur les médias. Il a avoué ne pouvoir «regarder le passé qu'avec horreur sachant que les activités de Jimmy Savile se sont poursuivies aussi longtemps sans être détectées». La police n'est pas satisfaite par cette version. Elle a décidé d'enquêter sur l'influence de «personnes de haut rang», selon des sources citées par la presse britannique, qui auraient permis au présentateur de poursuivre ses méfaits en toute impunité. L'affaire n'a pas fini de secouer le Royaume-Uni.

Jimmy Savile en sept dates

> 1926: naissance à Leeds

> 1947: début de sa carrière de DJ

> 1958: début de sa carrière médiatique à Radio Luxembourg

> 1964: présentation de la première émission de Top of the Pops

> 1990: anoblissement

> 2011: mort à 84 ans

> 2012: 300 personnes disent avoir été victimes d'actes de pédophilie de sa part