Le patron de la BBC a été mis en difficulté mardi, de l'aveu même de ses journalistes, par les députés qui l'interrogeaient sur l'apparent laxisme voire l'omerta de son groupe dans « l'affaire Savile », animateur-vedette accusé à titre posthume d'innombrables agressions sexuelles.

George Entwistle, directeur général depuis un mois seulement, mais au service de la BBC depuis 23 ans, a répondu pendant deux heures aux questions musclées de dix membres de la commission parlementaire de la culture, des médias et des sports. Défendant l'honneur de l'institution - vénérée au même titre que la monarchie au Royaume-Uni -, mais aussi sa propre responsabilité dans la gestion du scandale.

Le patron du premier groupe public audiovisuel au monde a démenti toute tentative récente pour « étouffer » l'affaire. Mais il a reconnu « un problème culturel à la BBC » remontant notamment aux années 1960 à 1980. À l'époque où Jimmy Savile, vedette du petit écran adulé des adolescents, mais aussi philanthrope ayant contribué à recueillir des millions de livres au profit de bonnes causes, était au faîte de sa gloire.

« Incontestablement, la culture et les pratiques de la BBC semblent avoir permis à Jimmy Savile d'agir comme il l'a fait, et ceci soulèvera des questions sur la confiance et la réputation dont nous bénéficions », a convenu M. Entwistle.

Il a assuré que la BBC a pris les mesures qui conviennent depuis que le scandale a été révélé début octobre par ITV, une chaîne concurrente, en rappelant notamment l'ouverture de deux enquêtes indépendantes.

Mais, il a convenu que le groupe avait commis une erreur en déprogrammant fin 2011 une enquête de l'émission phare Newsnight, qui donnait la parole à des victimes de Jimmy Savile, peu après sa mort.

Les critiques estiment que la BBC a aggravé son cas en diffusant dans la foulée un hommage aux 40 ans de règne audiovisuel de Savile, aujourd'hui dénoncé comme « un prédateur sexuel » par la police qui a instruit plus de 200 plaintes de « victimes potentielles ».

« Si le but était de réduire la pression sur la BBC, l'effet (de l'audition devant la commission parlementaire, NDLR) a probablement été inverse », a estimé à l'antenne le principal chroniqueur politique de la BBC, Norman Smith.

Selon lui, les députés ont été frappés par « l'absence déplorable de curiosité » et par « le manque d'implication » du DG, responsable des activités télé au moment de la mise à la trappe du sujet de Newsnight.

En réponse, M. Entwistle a justifié sa réserve par le souci « d'éviter toute ingérence déplacée » par respect pour la sacro-sainte indépendance éditoriale des journalistes de la « Beeb ».

Il a argué de l'existence d'une enquête policière en cours pour s'abstenir de répondre au député qui l'interrogeait « sur l'existence d'un réseau pédophile à la BBC ».

Et il s'est montré embarrassé pour expliquer une apparente volte-face de la BBC. Elle a accepté pendant deux semaines les justifications de Peter Rippon, rédacteur en chef de Newsnight qui a expliqué dans un blogue avoir renoncé à incriminer Savile à l'antenne, faute de preuves suffisantes. Puis s'est ravisé lundi en mettant à pied le journaliste, jugeant « inexactes » certaines de ses explications.

La BBC a sollicité la réaction de nombreux hommes politiques mardi. L'un d'entre eux, l'ex-ministre conservateur David Mellor tombé en 1992 après la révélation d'une liaison extra-conjugale, a jugé que désormais « le job de M. Entwistle était en jeu ».

Mardi toujours, la baronne Janet Smith a annoncé l'ouverture prochaine des auditions de l'enquête indépendante qu'elle préside sur les activités de Jimmy Savile. Juge à la retraite, elle s'est illustrée dans le passé en menant l'enquête sur le Docteur Shipman, l'un des pires tueurs en série de l'histoire judiciaire britannique.

Enfin, deux organisations caritatives ont annoncé leur dissolution immédiate. Elles portaient le nom de l'animateur à la tignasse blond platine et aux costumes tape-à-l'oeil, anobli par la reine pour son engagement caritatif.