Le président de la Commission italienne « Grands risques » a démissionné mardi de son poste, pour protester contre la condamnation lundi à six ans de prison de ses collègues accusés d'avoir sous-estimé les risques avant le séisme meurtrier de L'Aquila en 2009.

« Je ne vois pas les conditions pour travailler avec sérénité », a déclaré le physicien Luciano Maiani à l'agence de presse italienne Ansa.

Le tribunal de L'Aquila a condamné lundi sept membres de la Commission « Grands risques », qui siégeaient en 2009, à six ans de prison pour « homicide par imprudence », alourdissant la peine de quatre ans de prison requise par le parquet.

Leurs défenseurs avaient plaidé l'acquittement, arguant notamment du fait qu'il est impossible de prévoir un tremblement de terre.

M. Maiani, un physicien de renom - il a été notamment directeur général du CERN à Genève de 1999 à 2003 - a affirmé que d'autres responsables de la Commission s'apprêtaient également à démissionner, notamment le vice-président Mauro Rosi ainsi que le président d'honneur Giuseppe Zamberletti.

M. Maiani a précisé qu'il se trouvait dans « l'impossibilité » de travailler avec sérénité et de soumettre un avis hautement spécialisé à l'État, dans des conditions aussi « complexes », a ajouté l'agence.

La condamnation des membres de la Commission « Grands risques » a semé l'émoi dans la communauté scientifique, aussi bien en Italie qu'à l'étranger.

Plusieurs scientifiques européens, interrogés par l'AFP, se sont dits « choqués » par la condamnation infligée à leurs collègues italiens, voyant dans ce jugement « un précédent très dangereux ». De son côté, l'influente ONG américaine, Union of Concerned Scientist, a qualifié la sentence d'« absurde » et « dangereuse ».

M. Maiani avait déjà qualifié ce verdict de « grave erreur » dans une interview publiée mardi par le quotidien Corriere della Sera, relevant qu'« il n'y a eu aucune enquête contre ceux qui ont construit de manière inadaptée dans une zone sismique ».

« Il n'est pas possible de fournir à l'État des avis sereins, désintéressés et hautement professionnels avec cette folle pression judiciaire et médiatique. Cela ne s'est jamais produit dans aucun autre pays du monde. Cela signifie la mort du service prêté par des professionnels à l'État », avait-il ajouté.

La Commission s'était réunie le 31 mars 2009 afin d'analyser une série de secousses sismiques à L'Aquila survenues les mois précédents et de fournir des indications aux autorités locales qui sont les seules à pouvoir prendre d'éventuelles mesures.

À l'issue de cette réunion, elle avait indiqué qu'il n'était pas possible de prédire la survenue éventuelle d'un séisme plus fort, mais avait recommandé de respecter davantage les mesures de prévention antisismiques, en particulier dans la construction des immeubles.

Six jours après la réunion, le 6 avril, un tremblement de terre avait ravagé cette ville d'Italie centrale et fait plus de 300 morts et des dizaines de milliers de sans-abri.