Le chef du gouvernement espagnol Mariano Rajoy, fragilisé par la crise, a sauvé la face en Galice, sa région natale où la droite a gardé la majorité dimanche, mais est confronté au Pays basque à une poussée des indépendantistes, devenus deuxième force régionale.

Ce double scrutin constituait une épreuve risquée pour Mariano Rajoy: en Galice, où le vote menaçait de se transformer en référendum sur la politique de rigueur menée par son gouvernement, et au Pays basque où les indépendantistes progressent à la faveur de la fin de la violence, annoncée il y a un an par l'ETA.

Si la droite conserve la majorité absolue sur ses terres de Galice, le chemin à venir pour Mariano Rajoy, au pouvoir depuis moins d'un an, n'en reste pas moins semé d'embûches:

Dans un climat social alourdi par le chômage et par une cure d'austérité historique, il pourrait devoir se résigner, dans les jours ou semaines prochaines, à demander un sauvetage financier pour l'économie du pays, la quatrième de la zone euro.

Et dans un mois, le 25 novembre, il affrontera un nouveau scrutin régional, cette fois en Catalogne, puissante région du nord-est du pays en proie elle aussi à une fronde nationaliste, nourrie par la crise économique.

Au Pays basque, les nationalistes conservateurs du PNV conservent leur première place au Parlement régional: ils arrivent en tête avec 27 députés sur 75, suivis par les indépendantistes de EH Bildu, qui créent l'événement en remportant 21 sièges, devant les socialistes (16 sièges) et le Parti populaire (PP) de Mariano Rajoy (10 sièges).

Le vote se déroulait un an après l'annonce historique par le groupe armé basque ETA qu'il mettait fin définitivement à la violence, le 20 octobre 2011. La fin de quatre décennies de violence a ainsi ouvert la voie aux indépendantistes qui entendent poursuivre le même but par la voie des urnes.

En Galice, le PP remporte 41 députés sur 75, soit plus que la majorité absolue de 38 qu'il détient actuellement, devant les socialistes (18 sièges), puis le parti écolo-communiste AGE (9) et le parti régionaliste BNG (7).

Le scrutin était risqué pour Mariano Rajoy dans cette région de 2,8 millions d'habitants traditionnellement conservatrice, mais où la crise fait des ravages, avec un chômage qui atteint désormais 21% de la population active.

Car dans une Espagne en pleine récession, c'est bien le thème de l'économie qui était au centre de ces élections.

Et pour assurer leur victoire, les responsables locaux galiciens, dont l'un des fidèles de Mariano Rajoy, l'actuel président de région Alberto Nuñez Feijoo, ont d'ailleurs pris garde pendant la campagne de se distancer du chef du gouvernement.

Sous la pluie, les électeurs basques ont voté dimanche un an après l'annonce de l'ETA. Beaucoup d'entre eux se réjouissaient de l'arrivée de la gauche indépendantiste au scrutin régional, en l'absence de la violence du groupe armé.

Mais même au Pays basque, l'économie semblait au-devant des préoccupations des électeurs: cette région prospère de 2,2 millions d'habitants affiche un taux de chômage de dix points inférieur à la moyenne nationale, mais qui atteint 14,5% et, surtout, plus de 44% chez les jeunes.

«Ces élections ont deux clés, l'économie et le fait que cette fois tous ceux qui le veulent peuvent s'exprimer», assurait Iñaki Arteaga, un ingénieur de 43 ans qui venait de voter à Bilbao.

«La situation des jeunes? Très mauvaise, tous les jeunes qui m'entourent, ou la grande majorité, n'ont pas d'emploi», témoignait Elvira Saotua, une électrice de 60 ans au chômage.

«Ce qui est démocratique, c'est que nous puissions tous voter, sans la tutelle de l'ETA ni de l'État», se réjouissait tout de même Iñaki Arteaga.

Car le fait marquant de ce scrutin est la percée de la nouvelle coalition indépendantiste Euskal Herria Bildu (EH Bildu): c'est sous cette banderole que la mouvance de Batasuna, parti interdit en 2003 en Espagne car considéré comme le bras politique de l'ETA, confirme son retour amorcé aux municipales de 2011.

Le PNV quant à lui, même sans majorité absolue, devrait grâce à des alliances reprendre les rênes d'un pouvoir qu'il avait, en 2009, cédé pour la première fois en plus de trente ans aux socialistes.

Reste la grande inconnue: avec qui le PNV s'alliera-t-il pour gouverner?

«Si c'est avec Bildu, la question identitaire, de la relation avec l'Espagne jouera un rôle central dans le fonctionnement de sa coalition», analyse Anton Losada, professeur à l'Université de Saint-Jacques de Compostelle, qui parie toutefois plutôt sur une alliance avec les socialistes.

Vent de liesse à Bilbao

Au rythme enjoué d'un groupe chantant en basque, les militants indépendantistes ont fêté dimanche à Bilbao leur forte poussée jusqu'à la deuxième place des élections régionales du Pays basque, promettant d'«arrêter les ordres venant de Madrid».

«Il est temps de commencer à penser en tant que peuple, que pays. Il est temps d'arrêter les ordres venant de Madrid», a lancé depuis la tribune Laura Mintegi, candidate à la présidence de la région de la nouvelle coalition indépendantiste EH Bildu.

Si les nationalistes conservateurs du PNV ont conservé leur première place au Parlement régional, avec 27 députés sur 75, EH Bildu a créé l'événement en remportant 21 sièges, devant les socialistes (16 sièges) et le Parti populaire (PP) de Mariano Rajoy (10 sièges).

Or sous la banderole d'EH Bildu, c'est la mouvance de Batasuna, parti interdit en 2003 en Espagne car considéré comme le bras politique de l'ETA, qui confirme son grand retour dans la politique basque.

Ses candidats se présentaient, sans étiquette, aux côtés des partis Aralar, Eusko Alkartasuna (EA) et Alternatiba, qui n'ont eux jamais été interdits.

«Il y a un élément nouveau par rapport à la précédente législature et c'est que tous les citoyens et citoyennes basques seront représentés», se réjouissait un candidat d'EH Bildu, Juanjo Agirrezabala.

Le palais des sports La Casilla de Bilbao n'avait pourtant pas l'air des grands soirs, dimanche, avec moins d'un millier de militants venus fêter son excellent score aux premières élections régionales sans la menace de l'ETA.

Il y a un an, le 20 octobre, le groupe basque tenu pour responsable de la mort de 829 personnes en 40 ans de lutte armée pour l'indépendance du Pays basque et de la Navarre annonçait la fin définitive de la violence. Mais il refuse de déposer les armes et de se dissoudre, comme le lui demandent l'Espagne et la France.

Les Basques «ont voté en faveur d'un changement profond», a lancé depuis la tribune une autre candidate, Maribi Ugarteburu. Un changement notamment «à l'heure de ratifier le processus de paix qui est en marche dans ce pays», a-t-elle ajouté.