Le désenchantement s'est brutalement accentué en cette rentrée à l'égard du président François Hollande, qui enregistre en septembre l'une des plus fortes baisses de la Ve République dans l'opinion et peine à convaincre sa majorité de voter le traité budgétaire européen.

Une enquête de l'institut de sondages Ifop pour le Journal du dimanche (JDD) publiée ce week-end a confirmé l'ampleur du dévissage présidentiel dans l'opinion des Français, déjà mesuré par d'autres études récentes et mettant en évidence de fortes attentes de changements profonds et rapides.

L'entretien télévisé de M. Hollande sur TF1 le 9 septembre, censé redonner confiance aux Français, n'aurait donc pas permis de rétablir le lien avec le chef de l'État qui avait commencé à se distendre pendant l'été.

En déplacement samedi en Allemagne, au côté de la chancelière Angela Merkel, François Hollande a misé sur le temps, demandant «à être jugé sur les résultats» au terme de son quinquennat.

«Au bout de quatre mois, tirer un bilan collectif et personnel n'a absolument aucun sens», a insisté le ministre de l'Intérieur Manuel Valls tandis que pour le président de l'Assemblée Claude Bartolone, ce n'est pas dans un délai aussi court que le président va «réussir à réparer ce que la droite à mis 10 ans à détruire».

Pour l'écologiste Jean-Vincent Placé en revanche, dont le parti, membre de la majorité gouvernementale, s'est prononcé samedi pour un rejet du traité européen, cette glissade est «inquiétante». Selon l'UMP Alain Juppé, une figure de l'opposition de droite, elle résulte d'«une gigantesque fumisterie», les socialistes ayant «fait croire aux Français qu'il suffisait de se débarrasser de Sarkozy pour que tout aille bien».

En septembre en tout cas, François Hollande connaît l'une des plus fortes baisses de popularité de la Ve République. Selon l'Ifop, 56% des sondés sont mécontents de lui (dont 22% «très mécontents»), soit 11 points de moins qu'au mois d'août, seuls 43% se déclarant satisfaits (dont 5% «très satisfaits»).

«Seuls Charles de Gaulle, en juin 1962, après les accords d'Evian» mettant fin à la guerre d'Algérie, «et Jacques Chirac, en juin 2005, après l'échec du référendum sur le traité constitutionnel européen», ont fait pire, selon Frédéric Dabi, directeur du pôle Opinion de l'Ifop.

Ce désamour intervient dans un contexte politique difficile pour le gouvernement, qui a obligé le premier ministre Jean-Marc Ayrault à monter au créneau sur la question du traité. Dans un entretien à Médiapart publié dimanche, mais réalisé vendredi, avant la décision des instances dirigeantes du parti écologiste, il a ainsi mis en garde ceux qui dans sa majorité ne veulent pas ratifier le traité, en faisant valoir que «la conséquence logique de leur démarche, (c'était) la sortie de l'euro».

Et cela conduirait, a-t-il dit, à «une crise politique en Europe», ce qui «serait d'une gravité exceptionnelle».

La popularité du premier ministre est elle aussi en recul, mais moins fortement: il perd sept points, mais une majorité de 50% reste satisfaite de son action, même si les mécontents (46%) sont de plus en plus nombreux.

Le politologue Brice Teinturier, directeur général adjoint d'Ipsos, voit trois causes majeures dans le désamour d'une partie de l'opinion, y compris à gauche, pour le président: les Français s'attendent à «une crise durable, d'au moins deux ans», et «une hausse effective de la fiscalité» qui va peser sur le pouvoir d'achat. Toutes choses que le chef de l'État lui-même a laissé prévoir sur TF1.

S'y ajouterait la question du droit de vote des étrangers, qui «ne fait pas l'unanimité» dans l'électorat de gauche, sans compter que celui de droite y est farouchement hostile.

Pour Frédéric Dabi, c'est «un désenchantement» qui prévaut, plutôt qu'une hostilité, les Français ayant au moins en partie intégré la donne économique. Dans les interviews des sondés, ce qui ressort «c'est la crise, un sentiment d'écrasement, avec deux axes: le chômage et surtout l'idée que tout augmente», affirme-t-il dans le JDD.

Les politologues s'accordent à penser qu'il n'y a pas pour le moment de divorce entre le président et les Français: son image personnelle reste «positive», selon M. Dabi.