Les manifestations en Géorgie provoquées par la révélation d'un scandale de torture de détenus remettent en question les chances du parti du président Mikheïl Saakachvili de l'emporter face à une coalition d'opposition aux législatives, estiment vendredi des analystes.    

Deux membres du gouvernement dont le ministre de l'Intérieur ont démissionné après la révélation cette semaine de vidéos sur des scènes de torture de détenus dans une prison de Tbilissi, qui ont entraîné de vives réactions notamment en Europe.

En dépit des mesures prises par le président Saakachvili qui a annoncé le remplacement de tous les gardiens de prison par des policiers et une « tolérance zéro » pour de tels actes, les protestations se sont étendues dans plusieurs villes du pays, dont la capitale Tbilissi, et relancent la campagne pour les législatives du 1er octobre dans l'ex-république soviétique.

« Il s'agit d'un revers significatif » pour le parti au pouvoir, a déclaré à l'AFP l'analyste politique géorgien Ghia Nodia, ancien ministre du gouvernement de M. Saakachvili.

« Cela a certainement porté atteinte aux chances (du parti de Saakachvili), mais il est encore difficile d'en mesurer l'ampleur », a-t-il ajouté.

Avant la révélation du scandale mardi, la plupart des sondages donnaient le Mouvement national unifié de Saakachvili vainqueur aux législatives face au Rêve géorgien, la coalition du milliardaire Bidzina Ivanichvili, mais la situation pourrait désormais évoluer.

Au-delà de la lutte entre les deux formations, le scandale « va affecter à la fois le résultat des élections et la situation après le scrutin », déclare à l'AFP le politologue géorgien Alexandre Rondeli.

De l'avis d'experts, le président Saakachvili a agi rapidement pour tenter d'apaiser la colère en nommant le défenseur des droits de l'homme Giorgui Tougouchi au poste de ministre de l'Administration pénitentiaire.

« La réponse du gouvernement a été forte, rapide et adéquate, mais il reste trop peu de temps (avant les élections) pour limiter les dégâts provoqués par cette crise », observe M. Rondeli.

Une aubaine pour l'opposition

Les autorités ont affirmé que certains gardiens de prison impliqués dans les tortures de détenus auraient été payés pour se faire filmer en vue de discréditer le parti au pouvoir avant les législatives.

La diffusion de ces images mardi soir par la chaîne de télévision d'opposition géorgienne TV9, à moins de deux semaines des législatives, pourrait avoir été calculée pour faire le maximum de tort au parti de Saakachvili, selon M. Nodia.

« Il semble évident que le scandale a été d'une certaine mesure orchestré par quelqu'un qui a gardé les enregistrements jusqu'à cette période de la campagne électorale » qui touche à sa fin, estime le politologue.

L'indignation a été d'autant plus forte que les tensions autour des élections sont élevées, observe Tornike Charachenidze, analyste à l'Institut géorgien des affaires publiques.

« Le fait que cela se soit produit quelques jours avant les élections accroît les tensions », dit-il.

Le leader de l'opposition Bidzina Ivanichvili n'a officiellement pas soutenu les manifestations contre les tortures, même si certains de ses partisans y ont participé. Le milliardaire a appelé ses sympathisants à exprimer leur colère aux élections le 1er octobre et non pas dans la rue.

« Nous devons attendre calmement les élections et rester unis dans nos efforts pour que la primauté du droit revienne en Géorgie », a-t-il déclaré dans un communiqué après la révélation du scandale.

« Il s'agit pour le Rêve géorgien d'un cadeau dont il ne pouvait que rêver et qu'il exploite très bien », estime M. Rondeli.

Le parti de Saakachvili est actuellement confronté à la campagne électorale la plus délicate depuis son arrivée au pouvoir à la faveur de la « Révolution des roses » en 2003.