Le témoin de la Serbie dans un trafic présumé d'organes durant le conflit au Kosovo, dont est accusée la guérilla kosovare, a livré un récit terrifiant du prélèvement du coeur d'un prisonnier qui n'était pas sous anesthésie, dans une interview diffusée par la télévision serbe RTS.

«On m'a donné un scalpel. J'ai mis ma main gauche sur sa poitrine et commencé à couper (...). Le sang a giclé», déclare cet homme, dont le visage était flouté et dont la voix modifiée était à peine audible.

«Dès que j'ai commencé à couper il a commencé à hurler, nous exhortant de ne pas le massacrer, de ne pas le tuer et puis il a perdu connaissance. Je ne sais pas s'il s'était évanoui ou s'il était mort puisque je n'étais plus moi-même», ajoute l'homme qui semblait s'exprimer en albanais et dont les propos étaient sous-titrés en serbe.

Il précise que l'opération s'est déroulée dans la salle de classe d'une école, et que la victime âgée d'une vingtaine d'années était immobilisée sur trois bancs posés en guise de table d'opération par quatre maquisards.

Le procureur serbe pour crimes de guerre, Vladimir Vuckevic, a dévoilé dimanche à l'AFP l'existence à la disposition de ses services de ce témoin, un maquisard kosovar, ayant participé durant le conflit du Kosovo (1998-99) au trafic présumé d'organes prélevés sur des prisonniers serbes, qui étaient ensuite écoulés sur le marché noir.

Dans cette interview, le témoin ne dit pas où cette opération a été menée, mais M. Vuckevic avait indiqué à l'AFP que selon son témoignage elle avait eu lieu dans le nord de l'Albanie, à la frontière avec le Kosovo, «à la fin des années 1990».

À la RTS, le témoin ne précise pas la nationalité de la victime, mais selon M. Vukcevic il s'agissait d'un Serbe.

Vêtu d'un polo noir à manches longues, le témoin poursuit la description de l'opération, à laquelle participaient également deux médecins, dont un l'avait quelque temps auparavant formé avec d'autres maquisards au prélèvement d'organes.

«On m'avait dit de faire une autre incision horizontale en bas (...). La troisième incision, il fallait la faire en haut, mais c'est le médecin qui l'a faite, car il voyait que ma main tremblait et que j'étais affolé».

Selon le récit, une dispute intervient entre les deux médecins, car l'un avait oublié «des ciseaux pour couper les côtes».

L'homme raconte qu'il a alors proposé d'utiliser sa baïonnette en guise de sécateur et avoir, guidé par un médecin, coupé les côtes de la victime.

À ce moment, un des médecins «a mis ses deux mains dans le corps, a tiré et a ouvert» la cage thoracique.

Le témoin décrit en détail comment «nous avons sectionné les artères, et lorsque j'ai pris le coeur, il battait encore».

Le coeur a été mis dans un coffre pour le transport d'organes qui a été ensuite acheminé en voiture à l'aéroport de Tirana. Là, les maquisards ont été accueillis par des militaires de l'armée albanaise.

Le coffre avec le coeur a été remis à un «étranger» qui est ensuite monté à bord d'un «petit avion privé» frappé du drapeau de la Turquie, selon la même source.

Les allégations du trafic d'organes au Kosovo remontent à 2008. Elles ont ensuite été reprises dans un rapport du parlementaire suisse Dick Marty, adopté en janvier 2011 par l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe.

Le rapport évoque les noms d'anciens dirigeants de la guérilla kosovare, dont celui d'Hashim Thaçi, l'actuel Premier ministre du Kosovo. M. Thaçi et les autorités albanaises ont démenti ces accusations.

Selon le «rapport Marty», le trafic d'organes du temps de la guerre pourrait être lié à une autre affaire récente de trafic international d'organes dans une clinique de Pristina, qui fait l'objet d'un procès dans la capitale du Kosovo.

Sept personnes, pour la plupart des médecins, sont jugées par des magistrats de l'UE pour transplantations illégales d'organes effectuées à la clinique Medicus, fermée en 2008 lorsque l'affaire a été dévoilée.

Après l'adoption du «rapport Marty», l'Union européenne a nommé le procureur américain John Clint Williamson à la tête d'une équipe internationale d'enquêteurs.

Le procureur Vukcevic a indiqué lundi à la RTS avoir rencontré le procureur Williamson il y a deux mois à Belgrade et l'avoir informé de l'existence de ce témoin.

Le Kosovo a proclamé en 2008 son indépendance de la Serbie, reconnue par environ 90 pays, dont les États-Unis, indépendance que Belgrade rejette fermement.