La justice serbe dispose d'un témoin affirmant avoir participé au trafic présumé d'organes prélevés sur des Serbes durant le conflit du Kosovo, dont est accusée la guérilla kosovare, affaire qui fait l'objet d'une enquête internationale, a déclaré dimanche à l'AFP le procureur serbe chargé des crimes de guerre.

«Nous avons une personne qui témoigne sur une procédure médicale, faite dans le nord de l'Albanie, portant sur des prélèvements d'organes sur des Serbes enlevés durant le conflit de 1998-99 au Kosovo» entre la guérilla indépendantiste albanaise kosovare et les forces serbes, a affirmé le procureur Vladimir Vukcevic.

Il a précisé que le témoin était «un Kosovar albanais ayant pris part au conflit» et qui affirme avoir suivi une formation de prélèvement d'organes tout en participant lui-même à au moins une telle opération.

«Il décrit une opération de prélèvement du coeur d'un prisonnier serbe, dans un endroit près de Kukes (dans le nord de l'Albanie) à la fin des années 1990», a poursuivi le procureur.

«Le coeur a été ensuite vendu sur le marché noir. Il décrit la procédure en détail», a souligné M. Vukcevic, selon lequel l'homme raconte aussi le transport de cet organe vers l'aéroport de la capitale albanaise, Tirana.

Un rapport du parlementaire suisse Dick Marty, adopté en janvier 2011 par l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, décrit un trafic d'organes présumé perpétré par des maquisards kosovars albanais sur le territoire albanais lors du conflit avec les forces serbes.

Dick Marty évoque dans son rapport les noms d'anciens dirigeants de la guérilla indépendantiste kosovare albanaise, dont celui d'Hashim Thaçi, l'actuel Premier ministre du Kosovo. M. Thaçi et les autorités albanaises ont démenti ces accusations.

Pour sa part, M. Vukcevic affirme également que ses services ont «enquêté et vérifié les déclarations du témoin depuis plus d'un an».

«Nous estimons que l'information donnée par le témoin est véridique», a ajouté M. Vukcevic, précisant que le témoin faisait l'objet de «mesures de sécurité strictes» de la part des autorités serbes.

Les services du procureur estiment qu'au moins 300 prisonniers de guerre, notamment Serbes ont été transférés du Kosovo en Albanie voisine à la fin du conflit.

Après l'adoption du «rapport Marty», l'Union européenne a nommé le procureur américain John Clint Williamson à la tête d'une équipe internationale d'enquêteurs.

M. Vukcevic a refusé de dévoiler davantage de détails sur le récit du témoin tout en affirmant espérer que «le témoignage de cette personne va aider le procureur Williamson dans son enquête».

Le cas des organes prélevés durant la guerre pourrait être lié à une autre affaire récente de trafic international d'organes dans une clinique de Pristina, qui fait l'objet d'un procès dans la capitale du Kosovo.

Sept personnes, pour la plupart des médecins, sont jugées par des magistrats de l'UE pour transplantations illégales d'organes effectués à la clinique Medicus.

Cette clinique a été fermée en 2008 lorsque l'affaire a été dévoilée.

«Nous avons trouvé nombre d'éléments crédibles selon lesquels le trafic d'organes (ndlr, durant la guerre) (...) est étroitement lié à l'actuel cas de la clinique Medicus», écrit Dick Marty dans son rapport.

Des accusations de prélèvement d'organes par des maquisards kosovars durant la guerre ont été pour la première fois portées par l'ancien procureur du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY), Carla Del Ponte, dans un livre publié en avril 2008.

Fin 2008, l'AFP avait obtenu une copie du rapport d'une enquête confidentielle menée en 2004 sur ce genre d'allégations par des médecins légistes de la Mission de l'ONU au Kosovo (Minuk) qui tranchait qu'il n'y avait «aucune preuve concluante».

En revanche, le chef de cette commission, Jose-Pablo Baraybar, avait déclaré en 2008 à l'AFP, qu'une enquête encore plus approfondie mériterait d'être menée sur cette affaire.

Le Kosovo, qui a unilatéralement proclamé son indépendance de la Serbie en 2008, accédera lundi à la «pleine souveraineté» avec la dissolution annoncée du Groupe d'orientation sur le Kosovo (ISG, International Steering Group).

La Serbie refuse d'accepter l'indépendance du Kosovo, reconnue par quelque 90 pays, dont les États-Unis et la plupart des pays membres de l'UE.

Dans la soirée, le chef de la diplomatie kosovare, Enver Hoxhaj, a déclaré à l'AFP avoir eu des informations sur une «tentative de la Serbie de ternir» les célébrations de la pleine souveraineté du Kosovo.

«Nous avons eu des informations précises bien à l'avant (...) que la Serbie allait sortir de très mauvaises informations sur le Kosovo. Nous ne connaissons pas les détails de cette information, mais il est vrai que la Serbie allait tenter de ternir un grand jour pour le Kosovo», a-t-il dit.

«Le moment choisi pour sortir une telle information est habituel pour la propagande d'un pays qui fonctionne toujours selon les règles de la Guerre froide (...) et une telle information ne doit surprendre ni le Kosovo, ni le monde», a affirmé M. Hoxhaj.