Un juge français va enquêter sur la mort en 2004 de Yasser Arafat après l'ouverture mardi à Nanterre, près de Paris, d'une information judiciaire contre X pour assassinat, la veuve de l'ex-dirigeant palestinien soupçonnant un empoisonnement au polonium.

« Une information judiciaire a été ouverte pour assassinat, comme attendu après le dépôt de plainte de Mme Arafat », a affirmé à l'AFP une source proche du dossier, corroborée par une autre source également proche du dossier.

L'Autorité palestinienne s'est aussitôt félicitée de cette annonce. « Nous saluons cette décision », a déclaré à l'AFP le négociateur palestinien Saëb Erakat, précisant que le président Mahmoud Abbas a « officiellement demandé au président français François Hollande de nous aider à enquêter sur les circonstances entourant la mort de l'ancien président Arafat ».

Israël «ne se sent pas concerné par cette enquête malgré des accusations farfelues portées contre nous», a affirmé de son côté le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, disant toutefois «espérer que cette enquête fera toute la lumière sur cette affaire».

L'ouverture de cette instruction fait suite au dépôt d'une plainte contre X pour assassinat avec constitution de partie civile le 31 juillet par Souha Arafat, après la découverte de polonium, une substance radioactive hautement toxique, sur des effets personnels de l'ancien président de l'Autorité palestinienne.

Il n'y a jamais eu d'informations médicales claires sur les raisons de la mort du dirigeant, le 11 novembre 2004 à l'hôpital militaire français Percy, à Paris.

Les responsables palestiniens et les proches de Yasser Arafat sont persuadés qu'il est mort empoisonné.

Le rapport d'hospitalisation français, daté du 14 novembre 2004 et cité mardi par le site Slate.fr, fait état d'une inflammation intestinale d'« allure infectieuse » et de troubles de coagulation « sévères ». Slate.fr évoque la piste d'un « empoisonnement » par une toxine de champignon vénéneux.

L'Institut de radiophysique de Lausanne (Suisse) a annoncé vendredi qu'il comptait envoyer une mission à Ramallah pour examiner la dépouille de Yasser Arafat, après le feu vert de sa veuve pour rechercher d'éventuelles traces de polonium.

« Quantité anormale de polonium »

« Cet acte d'enquête doit être diligenté en collaboration avec la juridiction d'instruction française, régulièrement saisie, qui doit désigner un magistrat instructeur pour procéder aux investigations qui s'imposent », avaient fait savoir les avocats de Mme Arafat et de sa fille Zahwa, Mes Pierre-Olivier Sur et Jessica Finelle.

La polémique sur les causes de la mort d'Arafat avait été relancée après la diffusion, le 3 juillet dernier, par la chaîne de télévision arabe Al-Jazira d'un documentaire. Il révélait que l'Institut de radiophysique de Lausanne, qui a analysé des échantillons biologiques prélevés sur les effets personnels d'Arafat remis à sa veuve par l'hôpital français, y avait découvert « une quantité anormale de polonium ».

À la suite de cette découverte, le Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) a reçu début août un courrier de l'Autorité palestinienne demandant l'examen de la dépouille. Il avait alors sollicité la veuve du dirigeant palestinien pour obtenir son accord.

Les experts du CHUV sont prêts à se rendre en Cisjordanie « dans quelques jours », avait indiqué vendredi le porte-parole du Centre, Darcy Christen, précisant qu'il fallait agir rapidement. « Le temps presse, on peut dire que c'est une question de semaines, pas de mois, car la traçabilité du polonium diminue de moitié tous les 138 jours », avait-il insisté.

Le polonium a servi notamment à l'empoisonnement en 2006 à Londres d'Alexandre Litvinenko, un ex-espion russe devenu opposant au président Vladimir Poutine.

Selon M. Christen, les experts devront d'abord effectuer « une mission de repérage », pour examiner le mausolée où se trouve la dépouille de Yasser Arafat, et recenser les disponibilités technologiques et scientifiques sur place. L'examen du corps devrait avoir lieu au cours d'une seconde mission.