Les mots de soutien des Paul McCartney et Madonna de ce monde n'auront rien changé. Pour leur prière punk anti-Poutine de 30 secondes, les trois membres du groupe féministe russe Pussy Riot ont été condamnées à deux ans de colonie pénitentiaire, hier à Moscou.

La juge Marina Syrova estime avoir été clémente. Au lieu des trois années de réclusion requises par le procureur pour «hooliganisme» et incitation à la haine religieuse, Nadejda Tolokonnikova, 22 ans, Maria Aliokhina, 24 ans, et Ekaterina Samoutsevitch, 30 ans, n'en purgeront que deux.

Et encore: ce sera dans une colonie à sécurité moyenne, et non maximale comme l'exigeait l'accusation. Leur performance cagoulée du 21 février dernier dans l'imposante église du Christ-Sauveur de Moscou, intitulée «Vierge Marie, chasse Poutine!», les privera ainsi de liberté jusqu'en mars 2014. Les trois punkettes se trouvent déjà en détention préventive depuis six mois.

Acte prémédité et offensant

La magistrate a motivé la peine «assouplie» par le fait que deux des accusées sont mères d'enfants en bas âge, qu'aucune d'entre elles n'avait d'antécédents judiciaires et par les «troubles de personnalité» relevés chez les trois membres du groupe lors d'une expertise psychiatrique.

Le jugement prononcé par la juge Syrova s'inscrit dans la plus pure tradition du très peu indépendant système judiciaire russe. Durant les deux heures et plus qu'aura duré la lecture du texte - parsemé de références aux règles sacrées de la religion orthodoxe qu'auraient enfreintes les membres de Pussy Riot -, la juge a confirmé point par point les thèses de l'accusation, et rejeté tout aussi systématiquement celles de la défense.

Selon la juge, le geste «prémédité» du groupe avait pour unique but «d'offenser les croyants orthodoxes». Elle a du même coup réfuté le caractère politique de la «prière punk», sous le motif qu'«aucun nom de politicien» n'a été clairement prononcé durant «l'acte de vandalisme» du groupe. Même si la référence au président Poutine n'est apparue que sur la bande-son de la vidéo finale diffusée sur l'internet, les membres de Pussy Riot assurent que leur action était éminemment politique, comme toutes celles qu'elles avaient organisées auparavant. L'objectif était non pas d'offenser la religion orthodoxe, mais de dénoncer l'appui public du patriarche Kirill à la candidature de Vladimir Poutine lors de la présidentielle du 4 mars dernier, ont plaidé les membres de Pussy Riot lors du procès éclair de trois semaines.

Durant l'audience, des centaines de partisans du groupe et quelques-uns de leurs détracteurs se sont massés près du tribunal Khamovniki. Une cinquantaine de supporters ont été interpellés à différents moments, dont le leader du Front de gauche Sergueï Oudaltsov et l'ex-champion d'échecs Garry Kasparov.

»Honte» à la Russie

À l'annonce de la peine, la foule a dénoncé un procès qui fait «honte» à la Russie, et des dizaines d'artistes internationaux ont pris la défense des punkettes au cours des dernières semaines. Au même moment, d'ailleurs, des manifestations de soutien se déroulaient un peu partout en Europe et en Amérique du Nord.

Visiblement abattu - quoique pas du tout surpris - à la sortie du tribunal, le père d'Ekaterina Samoutsevitch a indiqué aux journalistes avoir changé d'idée par rapport à la performance de sa fille et de ses copines. S'il ne l'approuvait pas il y a encore quelques jours, il croit désormais qu'elle a permis de démontrer les méthodes autoritaires du régime russe.

Dans une interview au journal d'opposition Novaïa Gazeta publiée hier, les membres de Pussy Riot ont été claires: pas question de demander la grâce présidentielle à Vladimir Poutine, chef d'orchestre du procès selon elles. Car pour cela, elles devraient reconnaître leur culpabilité. «C'est plutôt lui qui devrait demander pardon à vous et à nous», a ajouté Nadejda Tolokonnikova.

Les avocats de la défense entendent tout de même en appeler de la décision, même s'ils ont peu d'espoir de la faire casser.

À l'issue du procès des membres de Pussy Riot, le conseil suprême de l'Église orthodoxe russe a appelé le pouvoir à se montrer miséricordieux à l'égard des trois punkettes. « Je suis réellement désolé que ce jugement ait été prononcé. Je plains les membres [du groupe]. J'espère que le président les graciera », a indiqué son représentant Vladimir Viguilianski, dans une lettre publiée sur le site web du patriarcat de Moscou. Il a tout de même rappelé que le geste de Pussy Riot constituait un « blasphème » dans lequel il n'a décelé « aucune teneur politique ».