Julian Assange, le fondateur de WikiLeaks, a beau saluer comme une «victoire importante» l'asile politique que lui a accordé l'Equateur, cette décision ouvre une nouvelle page d'incertitudes diplomatiques et juridiques, le Royaume-Uni étant bien décidé à l'extrader malgré tout.

Sitôt connue la position de Quito, qui a pesé pendant deux mois sa décision, le Foreign Office a fait savoir que cela ne changerait «rien», Londres ayant l'obligation d'extrader Assange, en vertu des traités signés dans le cadre de la coopération judiciaire européenne. Il a prévenu qu'il refuserait toute demande de sauf-conduit concernant l'Australien.

Le parquet de Stockholm réclame au Royaume-Uni l'extradition d'Assange pour qu'il réponde d'accusations de viol et d'agression sexuelles sur deux femmes. «Le fait que Julian Assange se soit vu accorder l'asile ne change rien à l'état de l'enquête préliminaire», a insisté le parquet suédois.

Une porte-parole de la commissaire européenne chargée de la Justice, Viviane Reding, a rappelé pour sa part que le fondateur de WikiLeaks était sous le coup d'un mandat d'arrêt européen et qu'il devait donc être entendu par les juges en Suède.

Les autorités britanniques font aussi valoir aussi que l'Australien a épuisé tous les recours possibles au Royaume-Uni et que la plus haute instance judiciaire du pays, la Haute cour de justice, a donné son feu vert à son extradition, à l'issue de 18 mois de bataille judiciaire.

De plus, Assange, qui a été libéré sous conditions fin 2010, a enfreint en se réfugiant à l'ambassade d'Equateur les dispositions de sa liberté conditionnelle, qui lui imposaient notamment de résider à une adresse déterminée. Ce qui le rend à ce titre aussi passible d'arrestation.

Tant qu'il se trouve dans l'enceinte de l'ambassade, le fondateur de WikiLeaks est en territoire diplomatique protégé, en application de la Convention de Vienne, et donc en théorie hors d'atteinte des forces de l'ordre.

Mais Londres a fait savoir à Quito qu'une loi de 1987 l'autorisait à lever le statut diplomatique de l'ambassade «pour agir et arrêter M. Assange dans l'enceinte diplomatique». Ce texte avait été voté après l'assassinat d'une policière britannique devant l'ambassade de Libye à Londres.

L'immunité diplomatique est faite «pour permettre aux diplomates d'exercer correctement leurs fonctions», mais pas pour «entraver le processus de la justice dans un pays», a fait valoir le ministre britannique des Affaires étrangères William Hague.

S'il décidait de forcer la porte de l'ambassade, le gouvernement devrait toutefois soigneusement peser les conséquences politiques d'un tel geste.

«Une entrée non autorisée dans l'ambassade d'Equateur serait une violation flagrante de la Convention de Genève», a déclaré Quito. «Cela porterait atteinte aux relations diplomatiques (de la Grande-Bretagne) dans le monde entier», a renchéri la porte-parole de WikiLeaks.

«Je crains que nous ne devions être patients», en a conclu Alex Carlile, un ancien avocat du parti libéral-démocrate, membre du gouvernement de coalition au Royaume-Uni.

Plusieurs scénarios d'exfiltration sont également évoqués par la presse britannique, comme un départ d'Assange à bord d'une voiture de l'ambassade, qui laisserait toutefois entière la possibilité d'une arrestation au moment par exemple de prendre un avion. Ou encore celui, plus rocambolesque, d'un départ dissimulé dans un conteneur estampillé «valise diplomatique», un subterfuge déjà tenté dans le passé sans succès.

L'imbroglio autour du cas Assange menace donc de s'éterniser, comme l'a reconnu lui-même William Hague: «il n'y pas de limite dans le temps», a-t-il souligné. Cela pourrait même prendre un temps «considérable», a-t-il ajouté, semblant écarter pour l'heure l'idée d'un assaut sur l'ambassade.

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