L'idée fait sauter au plafond les parents d'élèves et l'opposition de gauche: certaines grandes régions d'Espagne comme Madrid, Valence et la Catalogne, en pleine chasse au déficit, veulent autoriser les élèves à apporter leur repas à l'école -ce qui ne se faisait pas-, mais en les faisant payer.

Ces régions affirment qu'il s'agit d'offrir pour la première fois aux enfants la possibilité de venir avec leur panier-repas. En échange, les familles verseraient une participation, qui pourrait atteindre jusqu'à trois euros, afin de couvrir les frais d'entretien et de surveillance du réfectoire.

«Ce qui va se faire, c'est permettre aux centres scolaires de donner leur feu vert à l'entrée des "tupperwares" à l'école», explique Ignacio Gago Fornells, porte-parole du ministère de l'Éducation de la région de Madrid.

«Jusqu'à aujourd'hui ce n'était pas permis en Espagne, sauf dans des cas exceptionnels» comme les allergies alimentaires, résume-t-il.

Dans la région de Madrid, environ 40% des 324 000 élèves des 791 écoles publiques sont rentrés déjeuner chez eux durant l'année 2011-2012.

L'idée, selon ces régions, est donc de permettre aux parents d'économiser en ces temps de grave crise et de chômage record qui touche un actif sur quatre.

«Inadmissible!», s'insurge Jesus Maria Sanchez, président de la Confédération espagnole des associations de pères et mères d'élèves (Ceapa).

Car pour lui, «ce qui se cache derrière, c'est la volonté d'en finir avec les aides publiques fournies aux élèves qui en ont besoin» et «le démantèlement de l'école publique».

La région de Madrid reconnaît que ses bourses pour la cantine vont passer de 29 millions d'euros pour l'année 2011-2012, à 16 millions d'euros pour la prochaine année scolaire.

Le gouvernement de Catalogne a annoncé fin 2011 qu'il réduisait de 3,7 millions d'euros sa contribution aux aides à la restauration scolaire. Cette région, où le repas quotidien est l'un des plus chers (jusqu'à 6,20 euros), a annoncé la première qu'elle ferait payer jusqu'à 3 euros l'accès au réfectoire.

Valence jure, elle, que, malgré les coupes budgétaires, elle va maintenir cette aide qui «est l'un des investissements les plus importants de la région, avec plus de 70 millions annuels et 80 000 élèves qui bénéficient d'une aide à 100%».

Il s'agit pour elle de soutenir les 50% d'élèves qui n'ont pas de bourse et dont les parents veulent faire des économies sur un repas qui coûte 4,25 euros par jour, la participation envisagée ne devant pas dépasser 1,45 euro.

Miquel Soler, un responsable socialiste de la région de Valence, comme la Ceapa, n'y croit pas du tout.

Pour lui, «le gouvernement attaque les secteurs les plus défavorisés et ne protège absolument pas les principes de base comme garantir que personne n'abandonne les études pour des raisons économiques».

De plus, le panier-repas pose un double problème, relève Jesus Maria Sanchez: la conservation des aliments et l'obésité chez l'enfant. Une inquiétude partagée par des médecins.

«Je ne crois pas qu'il y ait la possibilité de conserver les aliments réfrigérés dont a besoin un enfant en pleine croissance», dit le Dr Maria Isabel Lopez Diaz-Ufano, de la Semergen, une organisation des médecins.

Redoutant le repas facile comme le sandwich, elle met en garde contre ce repas déséquilibré et dangereux, soulignant «la prévalence en termes d'obésité juvénile» en Espagne.

Selon une étude européenne publiée en mai par l'Université de Saragosse, 34% des enfants espagnols âgés de 10 à 12 ans sont en surpoids et parmi eux, 8 % sont obèses.

L'Espagne est ainsi au-dessus de la moyenne européenne en terme de surpoids (30%) et en deuxième position ex aequo avec la Slovénie, derrière la Grèce (50% en surpoids et 20% d'obèses), qui détient le record européen.