Il y a un an, les pires émeutes en 25 ans embrasaient l'Angleterre. Meurtres, pillages, incendies : la violence des casseurs a provoqué une onde de choc. La Presse est retournée hier dans le quartier londonien de Tottenham, épicentre des troubles d'août 2011, où les jours calmes sont revenus. Une quiétude fragile puisque les problèmes demeurent.

Les colonnes de fumée ont disparu depuis longtemps au-dessus des commerces de Tottenham, véritable creuset multiethnique. Toutefois, les traces des émeutes de l'été 2011 n'ont pas été complètement éradiquées, comme en fait foi la carcasse noircie d'un immeuble sur High Road, la rue commerçante qui avait été mise à sac par une foule enragée.

Une pancarte «I Love Tottenham» est apposée sur la barricade, comme un sparadrap sur une plaie mal cicatrisée.

C'est le message que préfèrent adopter aujourd'hui les jeunes résidants après un examen de conscience difficile. «Notre génération a appris une leçon importante, dit Rianna Linton, 17 ans. Cela nous a fait mal de voir notre quartier saccagé de la sorte. Il y a un plus grand respect pour notre communauté maintenant.»

Ainsi, une majorité de gens rencontrés sur High Road dit vivre plus en paix. La raison est simple, soutient Nuri Parlak, propriétaire d'un dépanneur. «Beaucoup de casseurs sont sous les verrous», dit le commerçant turc, sourire en coin.

«Certains se font arrêter encore aujourd'hui», corrobore Anna Da Concei, caissière dans une quincaillerie voisine.

Et ils sont durement punis. À ce jour, 1292 personnes traduites en justice ont écopé de 1800 années d'incarcération au total. Les tribunaux britanniques, qui fonctionnaient jour et nuit pendant les émeutes, leur ont imposé des peines quatre fois plus sévères.

Tensions raciales

La ligne dure n'est pas une panacée aux maux du quartier, selon le député de la circonscription, David Lammy. À commencer par les relations tendues avec la police. La mort de Mark Duggan, jeune homme soupçonné d'être un gangster, abattu par un agent, est l'étincelle qui avait provoqué l'éruption de Tottenham.

Or, l'enquête du coroner piétine et la famille de Duggan est toujours sans réponse sur les circonstances de sa mort. «Les rumeurs d'exécution et de complot sont encore répandues aujourd'hui», a écrit dans le tabloïd The Sun le travailliste David Lammy.

Résultat, la haine envers les policiers, qui avait motivé 85% des émeutiers selon une étude commune de la London School of Economics et The Guardian, est toujours aussi viscérale. «Si on est noir et qu'on ne porte pas de complet, on se fait fouiller», résume Oliver Ludinga, infirmier de 23 ans.

Le taux de chômage alarmant est un autre facteur aggravant dans un secteur dominé par les gangs de rue. «Si je n'avais pas ma fille, je serais peut-être derrière les barreaux», dit Aaron Stimson, 22 ans, qui cherche un emploi en sécurité.

Disparition de centres de jeunesse

Le maire Boris Johnson avait promis de remettre à flot les commerces pillés. Cependant, un programme de régénération financé par la Ville de Londres menace la survie d'un centre sportif communautaire où 2000 jeunes de Tottenham pratiquent le foot, la boxe et les arts martiaux. Deux clubs de jeunesse ont déjà disparu dans la dernière année.

«L'arrondissement veut raser nos locaux pour construire de nouvelles maisons, s'inquiète le directeur bénévole Kevin Lincoln. C'est notre propriétaire, donc nous avons peu de marge de manoeuvre.»

Le conseil municipal n'a pas encore clarifié ses intentions sur l'avenir du plus vieux centre sportif de Londres.

«Nous tenons les gamins loin des gangs de rue, dit M. Lincoln. Si notre centre ferme, ce sera une tragédie. Mais est-ce que les politiciens s'en soucient vraiment?»