La crise politique en Roumanie s'est enflammée lundi autour du référendum de destitution du président, le ministre de l'Intérieur démissionnant face à des pressions «inacceptables» et la Cour constitutionnelle adressant une mise au point au gouvernement qui a été remanié.

Depuis plus d'un mois, la Roumanie vit une guerre sans merci entre  d'un côté la coalition de centre-gauche au pouvoir depuis mai l'Union sociale-libérale (USL) dirigée par le premier ministre Victor Ponta et le président intérimaire Crin Antonescu, et de l'autre, le camp du président de centre-droit suspendu Traian Basescu.

L'USL a lancé début juillet une procédure de destitution de M. Basescu, impopulaire dans le pays, s'attirant les foudres de l'Union européenne (UE) face à des méthodes qualifiées d'atteintes à l'État de droit.

Mais un mois après la suspension de M. Basescu et malgré l'organisation d'un référendum qui devait mettre un point final à la bataille, la lutte est plus féroce que jamais.

Elle s'est traduite lundi par la démission du ministre de l'Intérieur, Ioan Rus, organisateur du référendum, ce qui a entraîné un remaniement en profondeur du gouvernement.

M. Rus a été remplacé par Mircea Dusa, tandis que le ministre de la Justice Titus Corlatean a pris les Affaires étrangères. La juge Monica Pivniceru a été nommée à la justice.

Les résultats du référendum du 29 juillet font l'objet de passes d'armes acides.

D'après le Bureau électoral central, le taux de participation a été inférieur au seuil minimum de plus de 50% requis par la Cour Constitutionnelle pour valider la consultation.

Bien que la majorité des votants, plus de 86%, ait voté pour le départ de M. Basescu, ce dernier devrait donc rester président de Roumanie.

Mais après ce résultat qui signifierait l'échec d'un de ses objectifs clés -- le départ de M. Basescu--, la majorité s'est mise à contester la validité des listes électorales.

Les membres de l'USL, dont M. Antonescu, estiment que le nombre d'inscrits doit être revu à la baisse, espérant ainsi arriver à un seuil de participation suffisant pour valider le débarquement de M. Basescu.

Une démarche qui a suscité la stupéfaction des analystes dans la mesure où M. Rus, un membre de l'USL, avait clairement assumé la validité des listes.

Désavoué par son propre camp et dénonçant des «pressions inacceptables» sur lui et son ministère, M. Rus a démissionné lundi, comme le secrétaire d'État à l'administration Victor Paul Dobre.

«Je ne peux pas accepter que le ministère soit impliqué dans des choses qui ne respectent pas la loi», a-t-il déclaré, réaffirmant qu'il pensait avoir organisé ce référendum «correctement» sur la base de listes actualisées.

Il a dénoncé des «pressions» venant de M. Basescu, qui a dénoncé des fraudes le jour du scrutin, mais aussi de sa propre coalition, dont M. Antonescu.

«Ces gens (Rus et Dobre) ont démissionné, car ils ne veulent pas jouer le jeu de ceux qui au sein de l'USL veulent changer les données électorales après le scrutin», a estimé Alina Mungiu Pippidi, présidente de l'ONG Société académique roumaine (SAR).

Par ailleurs, le parquet général a annoncé lundi l'ouverture de poursuites pour «abus de pouvoir» contre un responsable du ministère de l'Intérieur, Constantin Manoloiu, qui avait transmis jeudi un document controversé à la Cour Constitutionnelle indiquant que le ministère ne pouvait pas garantir la véracité des listes.

La Cour a, elle, adressé une mise au point au gouvernement, soulignant lui avoir demandé de lui communiquer les listes électorales utilisées pour le référendum et non pas de les actualiser après coup.

M. Ponta avait convoqué vendredi les autorités locales pour leur demander --toutes vacances cessantes-- de procéder à l'actualisation des listes d'ici le 31 août, date à laquelle la Cour se prononcera sur la validité du référendum.

Sur fond de chute de la monnaie nationale et d'une imminente révision à la baisse des prévisions de croissance, le ministre délégué au Milieu des affaires, Lucian Isar, un indépendant, a annoncé sa démission.