Les députés russes ont définitivement adopté vendredi la loi qui qualifie d'« agents de l'étranger » et place sous contrôle les ONG ayant un financement étranger et une activité « politique », suscitant de vives critiques d'opposants au régime de Vladimir Poutine.

La proposition de loi déposée par le parti au pouvoir Russie unie, votée en première lecture il y a une semaine et mise d'urgence à l'ordre du jour de la Douma, la chambre basse du Parlement russe, malgré les protestations des défenseurs des libertés et de l'opposition libérale, a été adoptée par 374 voix pour, trois contre et une abstention.

Russie unie dispose de la majorité absolue, avec 238 sièges sur 450, à la Douma, et le Parti communiste, opposé au Kremlin, mais également à toute « ingérence » occidentale - implicitement visée par cette loi -, ainsi que le Parti libéral-démocrate (populiste) avaient annoncé qu'ils voteraient pour.

Le texte prévoit un enregistrement séparé des ONG bénéficiaires d'un financement étranger et engagées dans une « activité politique » sur le territoire russe.

Ces ONG devront désormais s'afficher comme « agents de l'étranger » dans toute communication ou activité publique et seront soumises à un contrôle financier très strict. En cas de violations, elles s'exposent à une amende allant jusqu'à 300 000 roubles (plus de 9300 $) et à une peine de prison pouvant atteindre deux années.

Durcissement du Kremlin

La nouvelle loi s'ajoute à la multiplication des pressions, poursuites judiciaires, perquisitions et interrogatoires, dénoncés par les représentants de l'opposition depuis le retour au Kremlin en mai du président Vladimir Poutine, confronté à une contestation sans précédent depuis une décennie.

Il s'agit d'une « nouvelle initiative qui discrédite la société civile en vue de dresser les citoyens les uns contre les autres », a déclaré avant le vote le député Ilia Ponomarev (du parti Russie juste, centre gauche), l'un des rares parlementaires dénonçant la politique de Vladimir Poutine.

« Je suis moi-même certainement devenu un agent de l'étranger en collectant auprès de 1000 personnes à l'étranger des dons pour Krymsk », district de la région de Krasnodar (sud-ouest) où 172 personnes ont péri le week-end dernier dans de fortes crues, a ajouté M. Ponomarev.

Aux yeux de l'ONG de défense des droits de l'homme Memorial, « cette loi n'a qu'un seul objectif : avoir une base légale pour désigner les opposants comme étant des personnes à la solde de l'étranger ».

M. Poutine a accusé ces derniers mois les dirigeants de l'opposition et des ONG qui avaient dénoncé des fraudes électorales aux législatives de décembre d'oeuvrer dans l'intérêt de puissances étrangères, notamment des États-Unis.

Les députés ont aussi adopté une proposition de loi qui fait de la diffamation un délit passible d'amendes allant jusqu'à cinq millions de roubles (environ 155 000 $), un vote accueilli par des protestations à l'intérieur comme à l'extérieur de la Douma.

« Les articles de la loi sur la diffamation permettent aux fonctionnaires d'interdire la profession de journaliste, qui essaie de dire ce qui va et ce qui ne pas va pas », a mis en garde Timour Olevskiï, l'un des journalistes qui ont manifesté devant la Douma pendant le vote.

« Nous savons pertinemment contre qui est dirigée cette loi, contre toute personne qui dit que les gens de Russie unie sont des escrocs et des voleurs », a renchéri M. Ponomarev, faisant allusion au slogan du blogueur Alexeï Navalny, l'un des principaux leaders de l'opposition.

L'ex-dissidente soviétique Lioudmila Alexeeva, qui défend les droits de l'homme, a dénoncé pour sa part « une loi scélérate qui protège les fonctionnaires de la critique des citoyens ».

Toutes ces nouvelles lois - ONG, diffamation, le texte renforçant les amendes contre les manifestants, adopté début juin - montrent que le régime de Vladimir Poutine a décidé de « serrer les boulons », estime Mme Alexeeva.