La nouvelle ministre au droit des Femmes, Najat Vallaud-Belkacem, espère en finir avec la prostitution en France et envisage pour y parvenir d'introduire un nouveau délit pénal ciblant les clients.

«La question n'est pas de savoir si nous voulons abolir la prostitution - la réponse est oui -, mais de nous donner les moyens de le faire. Mon objectif, comme celui du Parti socialiste, c'est de voir la prostitution disparaître», a-t-elle déclaré il y a quelques jours au Journal du dimanche.

La ministre, qui est également porte-parole du gouvernement, a précisé qu'elle n'était «pas naïve» et savait pertinemment que l'atteinte de cet objectif représentait un «chantier à long terme».

«Se donner les moyens d'atteindre cet idéal, c'est d'abord considérer les victimes», a ajouté Mme Vallaud-Belkacem, qui veut faire porter la responsabilité pénale de la prostitution sur les clients plutôt que sur les personnes se prostituant. Elle a précisé qu'une «conférence de consensus» devrait avoir lieu à ce sujet d'ici six mois.

La loi française n'interdit pas la prostitution elle-même, sauf pour les personnes mineures ou en situation de grande précarité, mais interdit le proxénétisme et le racolage.

En avril 2011, une mission parlementaire bipartite a plaidé pour l'introduction d'un délit pénal prévoyant une amende et une peine d'emprisonnement de six mois en se calquant sur la pratique en vigueur dans des pays comme la Suède et la Norvège.

Les élus ont souligné que l'objectif était de sensibiliser les clients «aux conséquences potentielles de leur acte» et à «leur responsabilité dans la perpétuation de la prostitution et le développement de la traite» humaine par des groupes criminels.

Le rapport, qui avait reçu un soutien enthousiaste de l'ancienne ministre aux Solidarités Roselyne Bachelot, avait été approuvé par l'Assemblée nationale en vue de réitérer la position «abolitionniste» du pays, mais la loi n'avait pas été modifiée.

La politicienne avait alors assuré que la prostitution n'était «jamais consentie», alors que des intellectuelles comme la philosophe Élizabeth Badinter martelaient le contraire, fustigeant le «moralisme victorien» du gouvernement.

L'hypothèse d'une pénalisation des clients, assortie d'un retrait du délit sur le racolage, est bien accueillie par le collectif Osez le féminisme, qui défend une position abolitionniste.

«On parle traditionnellement beaucoup des personnes prostituées, et ce sont elles qui sont persécutées, ce qui paraît complètement injuste. On ne parle jamais en contrepartie des clients, qui créent la demande et font augmenter la prostitution et le trafic», souligne une porte-parole de l'organisation, Julie Muret.

Selon elle, entre «80 et 90%» des organisations féministes soutiennent les réformes envisagées par le nouveau gouvernement socialiste, qui doit faire face à une fronde du Syndicat du travail sexuel (STRASS).

«Vouloir faire disparaître la prostitution, c'est en réalité s'attaquer aux travailleurs du sexe. Nous ne voulons pas nous faire abolir. Nous voulons des droits», souligne l'organisation, qui insiste sur le fait que ses membres ont librement choisi leur occupation et ne sont pas des «victimes».