La justice allemande a estimé que la circoncision d'un enfant pour des motifs religieux était une blessure corporelle passible d'une condamnation, suscitant mardi un tollé de la communauté juive qui y voit une atteinte à la liberté religieuse.    

Dans un jugement qui devrait faire jurisprudence, le tribunal de grande instance de Cologne (ouest) a estimé que « le corps d'un enfant était modifié durablement et de manière irréparable par la circoncision », selon un communiqué mardi.

« Cette modification est contraire à l'intérêt de l'enfant qui doit décider plus tard par lui même de son appartenance religieuse », selon ce jugement qui n'interdit pas cet acte à des fins médicales.

« Le droit d'un enfant à son intégrité physique prime sur le droit des parents », a-t-on indiqué de même source.

Les droits des parents en matière d'éducation et de liberté religieuse ne sont pas bafoués s'ils attendent que l'enfant soit en mesure de décider d'une circoncision comme « signe visible d'appartenance à l'islam », poursuit le tribunal.

En Allemagne, la circoncision concerne presque uniquement les juifs et les musulmans. Plusieurs milliers de garçons la subissent chaque année, à la demande de leurs parents. Dans la religion juive, l'intervention est pratiquée au huitième jour du nouveau-né mâle par un médecin ou un mohel professionnel.

Le Conseil central des juifs d'Allemagne a vivement réagi à cette décision judiciaire, estimant qu'il s'agissait d'« une intervention gravissime et sans précédent dans les prérogatives des communautés religieuses ».

« La circoncision des nouveaux nés garçons est un élément essentiel de la religion juive et est pratiquée depuis des milliers d'années partout dans le monde », a insisté le président du Conseil, Dieter Graumann, dans un communiqué.

Il a exigé que les députés allemands légifèrent sur la question pour éviter des atteintes à la liberté religieuse.

La communauté musulmane, qui compte plus de 4 millions de membres en Allemagne, n'avait pas réagi mardi en fin de journée.

Cette décision judiciaire est « extrêmement importante pour les médecins, car ils ont pour la première fois une base légale sur laquelle s'appuyer », a assuré un expert en droit, Holm Putzke, dans le Financial Times Deutschland (FTD).

« Aucun médecin ne pourra plus à l'avenir prétendre avoir cru qu'il devait circoncire un enfant pas encore en âge de décider pour des raisons religieuses », selon ce professeur de l'Université de Passau (sud) qui voit dans ce jugement une « césure ».

La justice allemande avait été saisie du cas d'un médecin généraliste de Cologne qui avait circoncis un petit garçon de 4 ans à la demande de ses parents musulmans. Or quelques jours après l'intervention, l'enfant avait dû être admis aux urgences pour des saignements. Le parquet de la ville avait alors engagé des poursuites contre le médecin.

Ce dernier avait été relaxé en première instance puis en appel, le tribunal arguant du fait qu'à l'époque des faits il n'était pas en mesure de déterminer s'il agissait illégalement.

« L'erreur (du médecin) était inévitable », la littérature juridique livrant jusqu'à présent des réponses différentes, selon le jugement du tribunal de Cologne.

Selon des estimations de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), 30 % des garçons de moins de 15 ans sont circoncis. Aux États-Unis par exemple, cette intervention est presque systématique, au nom de l'hygiène autant que du conformisme social.