Bien qu'elle soit durement éprouvée par les mesures d'austérité exigées de ses bailleurs de fonds internationaux, la population grecque a finalement choisi la continuité, hier, à l'issue d'élections législatives chaudement contestées.

Le parti de droite Nouvelle démocratie, qui défend l'application d'un mémorandum signé avec les autorités européennes en contrepartie d'une aide totalisant plus de 130 milliards d'euros, a remporté 30% des voix, selon les résultats disponibles au moment de mettre sous presse.

En récoltant les 50 sièges de bonus pour le gagnant du scrutin, la formation conservatrice se retrouve avec 130 députés sur 300, et peut espérer former un gouvernement de coalition avec les socialistes du Pasok, qui récolte 33 sièges.

Les deux grandes formations traditionnelles du pays ont partagé le pouvoir pendant plusieurs mois au sein d'une coalition qui a approuvé le controversé mémorandum et les mesures d'austérité qu'il prévoit, avant de tenir des élections en mai. Elles n'avaient pas permis de constituer un gouvernement, ce qui a forcé le vote d'hier.

Respect des engagements

Dans un bref discours de victoire, le dirigeant de Nouvelle démocratie, Antonis Samaras, a déclaré que le pays «respecterait les signatures posées sur le mémorandum» et veillerait à s'acquitter de ses obligations. «C'est une victoire pour toute l'Europe», a-t-il assuré.

Le politicien a appelé tous les partis «qui partagent les mêmes objectifs que nous à participer à un gouvernement d'unité nationale», dont la composition formelle doit être négociée à compter de ce matin.

Le Pasok avait fait savoir qu'il n'accepterait pas d'entrer dans une coalition si celle-ci n'incluait pas également Syriza, une coalition de gauche radicale qui proposait de renégocier le mémorandum pour alléger la pression financière exercée sur le pays. Les socialistes ont toutefois laissé entendre hier qu'ils pourraient renoncer à cette exigence.

La formation de gauche radicale, arrivée deuxième avec 27% des voix, a pour sa part rejeté d'emblée l'idée de participer à une coalition avec Nouvelle démocratie.

Son chef, Alexis Tsipras, a déclaré que la voie défendue par son parti était la seule possible pour «sortir le pays de l'impasse» et que le nouveau gouvernement devait en tenir compte.

La droite conservatrice a répété durant la campagne que le projet de renégociation du mémorandum par Syriza pourrait entraîner la suspension de l'aide financière par les créditeurs internationaux et contraindre la Grèce à quitter la zone euro.

Plusieurs dirigeants européens, dont la chancelière allemande Angela Merkel, avaient prévenu la population à ce sujet.

«La peur et la terreur»

Par crainte d'une crise majeure au lendemain de l'élection, des milliers de Grecs avaient retiré au cours des dernières semaines leur argent de leur compte de banque.

Maria Preka, une partisane de Syriza qui suivait hier soir la diffusion des résultats sur des téléviseurs installés dans un parc près du quartier général de la coalition, à Athènes, a déclaré que la droite avait gagné en utilisant «la peur et la terreur».

«Tout le monde, tant à l'extérieur qu'à l'intérieur du pays, nous attaquait», a déploré la militante de 46 ans, qui se console du fait que la formation a fortement progressé dans les intentions de vote et s'impose comme la deuxième force du pays.

Plusieurs électeurs interrogés hier à la sortie des bureaux de vote ont indiqué qu'ils avaient décidé de voter pour Nouvelle démocratie par crainte des projets de la gauche radicale.

Michail Laios, un publicitaire de 40 ans croisé dans le quartier huppé de Kolonaki, a souligné qu'il ne croyait pas à la promesse de Syriza de renégocier les mesures d'austérité sans abandonner l'euro. «J'aimerais bien croire aussi qu'on peut manger des hot-dogs tous les jours sans grossir», a-t-il dit.

L'homme n'apprécie pas pour autant M. Samaras, un dirigeant «dépourvu de qualités politiques», selon lui.

Christina, une électrice rencontrée dans le quartier populaire d'Exarchia, a déclaré qu'elle avait voté pour Nouvelle démocratie parce qu'elle ne fait pas confiance à Alexis Tsipras. «Je n'ai aucun espoir», a indiqué la femme de 42 ans, qui a perdu son emploi dans le secteur financier il y a un mois.

Aucune manifestation massive de joie n'a ponctué hier la victoire d'Antonis Samaras, qui a été accueilli par quelques centaines de personnes, incluant plusieurs dizaines de journalistes, lors de son passage à la place Syntagma, en fin de soirée.

Le manque de ferveur populaire à son égard risque de compliquer la tâche du prochain gouvernement, qui devra adopter d'ici la fin de l'année de nouvelles et impopulaires mesures d'austérité pour atteindre les objectifs financiers fixés.

L'Allemagne, qui s'est félicitée en fin de soirée du résultat du scrutin, s'est dite ouverte à l'idée d'accorder un délai additionnel au pays.