Le gouvernement socialiste français donne un coup de canif dans l'emblématique réforme des retraites de l'ex-président conservateur Nicolas Sarkozy, en annonçant le rétablissement de la retraite à 60 ans, pour certains salariés avec un bonus pour les mères et les chômeurs.

Mercredi en Conseil des ministres, la ministre des Affaires sociales Mariosol Touraine a présenté les contours d'un décret qui va permettre un départ à la retraite à 60 ans pour ceux qui ont commencé à travailler à 18 ou 19 ans et ayant la totalité de leur durée de cotisation (41 ou 41,5 selon l'année de naissance).

Cette décision concernera 110 000 personnes, salariés du public comme du privé, dès 2013 pour un coût estimé à 1,1 milliard cette année-là, et jusqu'à 3 milliards en 2017, à la fin du mandat du président François Hollande, a précisé Mme Touraine, assurant que la mesure était « entièrement financée ».

« C'était une mesure nécessaire, indispensable, pour corriger une injustice créée par la réforme des retraites de 2010 », qui avait porté à 62 ans l'âge minimum de départ à la retraite, a estimé la porte-parole du gouvernement Najat Vallaud-Belkacem.

Mme Touraine a fait valoir que ce dispositif allait permettre à « des femmes qui ont travaillé et ont eu des enfants de ne pas être pénalisées dans le calcul de leur retraite ».

Ce dispositif est notamment favorable aux mères de famille et aux chômeurs âgés, qui verront inclure dans le calcul de leur retraite deux trimestres supplémentaires considérés comme « cotisés ».

Les mères de famille bénéficiaient jusqu'ici, dans le cadre du dispositif, au maximum de quatre trimestres additionnels. Ce bonus va permettre à davantage de femmes de pouvoir bénéficier du dispositif, car elles ne représentent actuellement qu'un quart des bénéficiaires.

Quant aux chômeurs de longue durée proches des 60 ans, ils pourront partir en retraite sans être pénalisés par l'arrêt de versement d'une indemnisation chômage à un âge auquel ils ont très peu de chance de retrouver un emploi.

Une réforme accueillie « avec bonheur » par Jean-Pierre Magny, technicien de maintenance sur des centrales nucléaires, 56 ans, qui travaille depuis l'âge de 18 ans.

« Si je n'avais pas eu le choix, j'aurais continué à travailler jusqu'au bout, mais le plus tôt je pars, le mieux c'est », a-t-il dit à l'AFP, expliquant exercer un métier « pas particulièrement physique, mais très stressant », sans cesse en déplacement d'un chantier à l'autre.

Le décret qui doit encore être examiné notamment par le Conseil d'État, plus haute juridiction administrative, sera publié au Journal Officiel au début de l'été. Il entrera en vigueur au 1er novembre.

Cette mesure sur les retraites est la plus onéreuse prise jusqu'ici par le nouvel exécutif du président François Hollande, un mois après son entrée en fonctions et alors que la France est dans le collimateur de Bruxelles en raison de l'ampleur de ses déficits publics.

« À terme, en 2017, la mesure coûtera moins cher que ce qui était prévu tout en concernant autant de personnes », a souligné Mme Touraine, alors que l'équipe de campagne de M. Hollande avait initialement tablé sur 5 milliards d'euros (environ 6,5 milliards de dollars) en fin de quinquennat.

Du coup les hausses des cotisations salariale et patronale qui étaient envisagées (+0,1 % par an pour les uns et les autres) n'atteindront pas 0,5 % en 2017, mais seulement 0,25 % pour les salariés comme pour les entreprises.

À quatre jours des élections législatives, enjeu majeur pour le parti socialiste qui espère avoir une majorité d'élus pour pouvoir appliquer le programme de gouvernement de François Hollande, la droite a multiplié les critiques, fustigeant à cette réforme tant sur la forme que sur le fond.

L'UMP (droite) a reproché au gouvernement de gouverner par décret, en court-circuitant l'Assemblée nationale, et l'a accusé de vouloir encore aggraver l'état des comptes publics.