Le gouvernement français entend modifier la procédure existante pour éviter que des policiers contrôlent des citoyens en raison de leur apparence ethnique plutôt qu'en se basant sur des soupçons légitimes.

Le nouveau ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, a confirmé qu'il entendait chapeauter une «réflexion» prochainement avec les intervenants du milieu en vue de contrer les «contrôles au faciès» et améliorer les relations entre les forces de l'ordre et la population.

La nouvelle procédure pourrait inclure l'émission, par les policiers qui procèdent à un contrôle, d'un récépissé précisant l'identité de la personne ciblée, la raison de l'intervention et le nom des agents responsables de manière à éviter les répétitions et les abus.

«Je pense que ça sera utile à tous. Aux personnes contrôlées qui doivent être contrôlées, mais pas trois, quatre fois, et aux policiers aussi parce que les policiers ont besoin de retrouver la confiance et le respect», a plaidé au cours des derniers jours le premier ministre, Jean-Marc Ayrault.

La procédure pénale en France prévoit que les policiers peuvent faire un contrôle d'identité sur une personne dès lors qu'il existe «une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction» ou qu'elle «se prépare à commettre un crime ou un délit».

Excès

Plusieurs organisations de défense des droits de l'homme affirment que les forces de l'ordre excèdent l'esprit de la loi en pratiquant des interventions injustifiées qui ciblent souvent les personnes issues de minorités ethniques.

Une étude produite il y a quelques années à partir d'observations menées à Paris dans deux importantes gares a conclu que les personnes noires avaient six fois plus de risques d'être appréhendées que les personnes blanches. Les personnes d'origine arabe étaient huit fois plus susceptibles d'être contrôlées.

L'Open Society, fondation financée par George Soros qui milite pour l'application du système des récépissés, relève que les contrôles en France se concentrent de manière «disproportionnée» sur ces groupes.

En janvier, Human Rights Watch a critiqué les pratiques ayant cours dans le pays, en évoquant une forme de «profilage ethnique».

Au printemps, un groupe d'une quinzaine de personnes disant avoir été victimes de contrôles policiers abusifs a intenté une poursuite contre le ministère de l'Intérieur afin de forcer la police à revoir ses méthodes.

Bocar, plaignant âgé de 32 ans, a indiqué lors du dépôt de la poursuite qu'il avait été contrôlé abusivement en novembre par un agent qui l'a appréhendé à la sortie de la résidence de ses parents alors qu'il raccompagnait son frère et ses soeurs. L'agent, a-t-il relaté, l'a forcé à écarter les jambes en le frappant avant de menacer de l'immobiliser avec un pistolet électrique.

Un projet mal accueilli

Le projet de révision gouvernemental a été mal accueilli par les syndicats des forces de l'ordre, qui s'offusquent de l'idée que les contrôles puissent être pratiqués d'une manière discriminatoire ou abusive.

Le syndicat Alliance a décrit le projet du ministère de l'Intérieur comme «un désaveu sans précédent, blessant et attentatoire à l'honneur et la probité des policiers et des gendarmes».

L'ex-ministre de l'Intérieur Claude Guéant a indiqué hier dans la même veine que la réforme à l'étude constituait «une motion de défiance à l'égard d'une police et d'une gendarmerie profondément républicaines, profondément respectueuses du droit des personnes».

Le syndicat SGP-Police, plus conciliant, pense que la révision des modalités du contrôle d'identité n'est pas «une priorité» et ne peut se faire avant une consultation et une réflexion exhaustives.

Selon son porte-parole, Yannick Danio, il est plus urgent de rompre avec la «politique du chiffre» défendu par l'ancien gouvernement qui mettait une pression indue sur les forces de l'ordre pour multiplier les interventions.