Imaginez-vous sur les champs de bataille d'Austerlitz ou de Waterloo, respirant l'odeur de la poudre, sentant «le vent des boulets qui sifflent à vos oreilles», revivez la bataille de Trafalgar ou découvrez les pyramides d'Égypte aux côtés de Napoléon Bonaparte.

Cette plongée dans l'histoire sera un jour possible s'il n'en tient qu'à Yves Jégo, qui espère implanter dans quelques années à Montereau, à une centaine de kilomètres au sud-est de Paris, un parc d'attractions centré sur la vie du célèbre empereur.

L'idée, qui semblait «utopique» il y a quelques mois à peine, commence à prendre forme, s'est félicité cette semaine en entrevue le député-maire de cette petite ville de Seine-et-Marne, lieu de l'une des dernières victoires militaires de Napoléon.

M. Jégo note que la commémoration annuelle de la bataille, qui attire chaque fois plus de 10 000 personnes, l'a convaincu du potentiel commercial d'une entreprise à grande échelle consacrée à cette figure historique.

La renommée de Napoléon Bonaparte à l'étranger est aussi à considérer, dit le politicien. «C'est le personnage français le plus connu, peut-être même la personne la plus connue de l'histoire du monde», avance M. Jégo, qui rêve d'attirer plus d'un million de visiteurs par année.

Des démarches sont en cours, dit-il, pour trouver le terrain où pourra être aménagé le parc, qui coûterait jusqu'à 200 millions d'euros.

«Les investisseurs privés que nous avons pressentis sont intéressés. Ils veulent voir notre business plan», souligne M. Jégo, qui espère créer de 1500 à 2000 emplois pour la région.

Le politicien, qui a été secrétaire d'État à l'Outre-mer de 2008 à 2009, a obtenu l'appui du secrétaire d'État au tourisme, Frédéric Lefebvre, et d'un descendant du frère de Napoléon Bonaparte. Le premier ministre François Fillon est attendu à Montereau dans les prochains jours et devrait montrer, dit-il, que le gouvernement «est attentif» à l'initiative.

Les Britanniques s'en moquent

L'idée d'un parc en l'honneur de Napoléon Bonaparte a fait beaucoup de vagues du côté anglais, où nombre de chroniqueurs ont exprimé des doutes, souvent sur un ton moqueur, sur le bien-fondé d'une telle initiative.

Dans le Daily Mail, le journaliste Stephen Glover s'étonne du fait que la France veuille saluer un dirigeant «dont les actions ont mené à la mort de millions de personnes» et qui a «ouvert la voie, par sa défaite, à la domination britannique du XIXe siècle».

L'empereur, relève-t-il, a fait de «bonnes choses», mais il s'est surtout illustré par «sa tentative de conquérir l'Europe par les armes».

«Un pays qui peut encore vénérer un tel homme a certainement un problème», a commenté M. Glover.

«On pourrait pardonner aux analystes de s'étouffer en entendant la nouvelle: pourquoi ne pas construire un parc d'attractions en l'honneur de Staline ou de Kim Jong-il?» a souligné de son côté Agnès Poirier, dans The Guardian.

Il ne faut pas oublier, dit-elle, que les Français doivent à Napoléon Bonaparte plusieurs choses, dont le Code civil et le baccalauréat, mais aussi un cadre éducatif, administratif et judiciaire qui perdure aujourd'hui dans plusieurs pays. Il a par ailleurs réussi, selon Mme Poirier, à «mettre un terme à la Révolution tout en lui demeurant fidèle, consolidant les idéaux de 1789», avant de se transformer en «tyran insatiable».

M. Jégo, qui ne s'émeut pas outre mesure des critiques venues d'outre-Manche, assure que le parc n'évitera pas «la part d'ombre» du personnage. Un comité scientifique international sera chargé, dit-il, de veiller à ce que «rien ne soit mis de côté ou effacé de l'histoire napoléonienne».

Entreprise idéologique?

Ces assurances ne satisfont guère l'historien français Blaise Dufal, qui est membre du Comité de vigilance face aux usages publics de l'histoire. Il soupçonne le projet de parc d'attractions de s'inscrire dans une entreprise «idéologique et politique» plus vaste.

La droite française, souligne M. Dufal, considère avec nostalgie le passé militaire et colonial du pays et cherche à utiliser «de manière émotionnelle» des figures historiques controversées comme Napoléon Bonaparte pour gagner l'appui de la population.

M. Jégo nie pour sa part qu'il puisse y avoir une composante idéologique à son projet et entend tout faire pour s'assurer de son caractère «consensuel».

«Il faut qu'on ait le courage de tout montrer», conclut-il.

Le coût estimé, en euros, du parc d'attractions consacré à Napoléon Bonaparte que l'ancien secrétaire d'État Yves Jégo espère inaugurer en 2017 à Montereau, non loin de Paris. Le politicien affirme que la quasi-totalité de cette somme devra provenir d'investisseurs privés qui restent à trouver.