Bien qu'il ne soit en rien responsable de la mort de l'enseignant abattu avec ses deux jeunes enfants devant le collège Ozar Hatorah lundi, Mardochée Loubaton se reprochait hier d'avoir manqué sa chance de les sauver.

«Lorsque je me suis arrêté lundi matin devant le collège avec la voiture pour déposer mon fils, ils attendaient que quelqu'un viennent les chercher pour aller à l'école primaire voisine. L'enseignant s'est penché vers moi, croyant par erreur que je lui parlais. Si seulement j'avais eu une prophétie, je lui aurais dit de monter», a expliqué hier ce père de famille.

Comme plusieurs parents d'élèves, M. Loubaton s'est rendu à l'école le soir du drame pour participer jusqu'à tard dans la nuit à une veillée funèbre déchirante. La lecture des psaumes continuait au matin. «Il y a beaucoup de femmes qui pleurent, qui n'y croient pas, qui sont comme sur un nuage», a-t-il relaté hier matin.

Corine, la mère d'une collégienne qui a échappé de peu au tireur, s'estimait chanceuse que son enfant ait été déposée lundi matin une quinzaine de minutes plus tôt que d'habitude.

«Habituellement, elle aurait été devant l'école précisément au moment où le tireur a frappé», a-t-elle relaté dans la cour du collège, quelques heures avant que les dépouilles des victimes ne soient retirées pour être acheminées à l'aéroport en vue d'être rapatriées en Israël, où elles doivent être inhumées aujourd'hui.

Bien que les enfants aient été avisés de ne pas aller à l'école hier, elle avait tenue à amener sa fille. «Je voulais l'aider à dépasser ses peurs le plus rapidement possible», a indiqué la mère, qui n'a pas voulu donner son nom de famille.

Revivre le drame

Les résidants du quartier étaient nombreux à recenser en détail la chronologie de la fusillade, passant en revue tous les petits incidents qui ont fait une différence, en bien ou en mal, dans le déroulement du drame.

Pour plusieurs personnes, l'émotion était encore trop forte pour envisager posément les choses. «Je vais très mal, très mal», a expliqué une femme qui habite juste en face de l'école et qui affirme avoir vu le tireur.

«Il était casqué. On le voyait, on ne le voyait pas. C'est frustrant», a expliqué la femme, le regard hagard, comme si elle revivait le drame.

Des dizaines de personnes sans lien direct avec le collège sont venus sur place au cours de la journée pour exprimer leur solidarité avec les familles des victimes. Plusieurs ont déposé des fleurs ou des peluches.

Nordine Sebti, un musulman, a déroulé son tapis à proximité du cordon policier limitant l'accès à l'école et a prié. «On vit dans un monde de plus en plus cruel», a déploré le père de deux enfants.

Vives inquiétudes

Sandrine Bajouprim, elle, est venue parce qu'elle s'est sentie directement interpellée par le drame. «Mes enfants vont au collègue catholique privé qui est à quelques rues d'ici. Ça aurait pu être eux, les cibles», a souligné la femme de 36 ans, qui espère l'arrestation prochaine du tueur.

«Il est toujours en liberté. Tant qu'il le sera, on ne sera pas tranquille. On a mal dormi cette nuit», a précisé Mme Bajouprim.

L'inquiétude est partagée par nombre de résidants de la ville. «Sans sombrer dans la paranoïa, c'est vrai qu'on a un peu mal au ventre», a expliqué Stéphanie Merino, qui était venue déposer sa fille devant une école primaire du centre-ville.Marc Admouchnino, qui vendait des produits en vrac dans un marché de rue voisin, a déclaré que le drame pesait lourdement sur les esprits.

«On voit bien que les gens ont moins le sourire que d'habitude. Habituellement, on plaisante toujours un peu avec les clients mais là, personne n'a envie de plaisanter. Tout le monde ne parle que de la fusillade», a relaté le commerçant.

Appel au calme

Le maire de Toulouse, Pierre Cohen, a appelé les résidants à rester sereins «le plus possible» en soulignant que «la République doit continuer à vivre».

Dans l'espoir de rassurer la population, le gouvernement a déployé cinq compagnies de forces mobiles additionnelles dans la ville et quatorze au total dans la région. Le ministre de l'Intérieur, Claude Guéant, a vérifié le déploiement hier matin avant de se rendre dans un école voisine du collège Ozar Hatorah pour participer à une minute de silence commémorative.

Le président français Nicolas Sarkozy s'était rendu dans un établissement parisien pour l'occasion. Il s'est déplacé à l'aéroport Charles-de-Gaulle en fin de journée pour se recueillir devant les cercueils des victimes et parler avec les familles des victimes.

Il a assuré que la traque pour le tueur continuerait sans relâche, évoquant une «obligation de résultat» pour l'État et les forces policières.

Photo: Pascal Parrot, Reuters

Une femme pleure devant un corbillard transportant les trois enfants abattus lundi devant l'école juive Ozar Hatorah. Les dépouilles seront inhumées aujourd'hui en Israël.