Plus d'un quart des femmes emprisonnées en Europe et en Asie centrale le sont pour des délits liés à la drogue, ce qui souligne les lacunes de l'approche des pouvoirs publics dans la lutte contre la drogue, annonce lundi dans un rapport l'ONG Harm Reduction International.    

Quelque 31 000 des 112 000 femmes emprisonnées dans 51 pays d'Europe et d'Asie centrale, soit 28%, le sont pour possession, préparation, production, achat ou vente de substances illicites, selon l'organisation non-gouvernementale (ONG) Harm Reduction International (HRI), dont le siège est à Londres.

Ce rapport a été rendu public à l'occasion de l'ouverture lundi à Vienne de la 55e session de la Commission sur les stupéfiants de l'Office de lutte contre le trafic de drogue et la criminalité (ONUDC).

Au Tadjikistan, cette proportion atteint 70% et en Lettonie 68%. Même dans des pays dotés de lois progressistes en matière de stupéfiants, la part des femmes incarcérées pour délits liés à la drogue est élevée: 31,4% aux Pays-Bas, 47,6% au Portugal.

«Les femmes sont exposées de manière disproportionnée à la prison pour des délits non-violents, souvent la conséquence de la pauvreté et de la marginalisation sociale», a déclaré l'auteure du rapport, Eka Iakobishvili, citée dans un communiqué.

Ces femmes, qui ont souvent des problèmes de drogue ou d'alcoolisme, «ont besoin de soutien, pas d'une punition. Cette étude montre un trop grand recours aux lois pénales pour traiter les problèmes sociaux et économiques dans de nombreux pays», a-t-elle ajouté.

«Je ne serais pas étonné qu'on trouve les mêmes résultats d'une surreprésentation en prison pour les hommes», a expliqué à l'AFP le directeur adjoint de Harm Reduction International, Damon Barrett, ajoutant qu'à la différence des hommes, les femmes sont emprisonnées majoritairement pour des délits non violents.

Dans le cadre de la lutte contre les effets sociaux et sanitaires de la drogue, HRI appelle les pays concernés à revoir leur législation et leurs peines, «trop souvent déconnectées des réalités et des besoins des femmes en conflit avec la loi», selon le rapport.

«L'indicateur de succès n'est pas combien de kilogrammes vous avez saisis, combien de procès vous menez à bien, mais la réduction de la part de femmes qui vont en prison pour drogue», a insisté Damon Barrett.

HRI s'inquiète particulièrement de la situation en Russie, où 20 000 femmes sont emprisonnées pour délits liés à la drogue, soit plus que dans la totalité des autres pays concernés par l'étude, un chiffre en hausse sur les cinq dernières années.

Interrogé par l'AFP, le directeur du l'Office fédéral russe de lutte contre la drogue, Victor Ivanov, a souligné que la Russie avait changé de stratégie en s'engageant pour plus de prévention que de répression.

Moscou «n'arrive pas à reconnaître l'échec de sa politique», a cependant déclaré à l'AFP Eka Iakobishvili, indiquant que les chiffres pour la Russie ont gonflé sous l'effet d'une application plus stricte des lois et d'un renforcement de celles-ci.

«Le durcissement de la loi et de son application coïncide avec l'envolée de l'épidémie du virus du sida en Russie», a également relevé Damon Barrett, rappelant que «les prisons sont un lieu de haut risque pour la transmission du sida».