Des centaines de rescapés du naufrage du Costa Concordia, encore traumatisés, ont exprimé leur colère samedi à l'occasion d'une maxi-audience, préliminaire au procès sur ce drame, organisée dans la ville toscane de Grosseto.

«Se remémorer ces moments, ça fait mal... Il y avait tellement de confusion à bord, on a dû tout faire tout seul, tellement de choses ont été mal faites, en si peu de temps», se rappelle l'un d'entre eux, Giacomo Brignone.

«Alors qu'on aurait eu tout le temps nécessaire pour organiser l'évacuation de manière plus calme et, j'en suis presque sûr, presque tout le monde aurait pu être sauvé», confie-t-il à l'AFP-TV.

Des centaines de personnes -rescapés, mais aussi avocats et experts- ont participé à cette audience, étape judiciaire obligée avant un procès qui pourrait ne pas s'ouvrir avant deux ans.

Une nouvelle audience a été programmée pour le 21 juillet, date à laquelle les experts devront rendre les conclusions de leurs analyses.

Principal protagoniste de cette catastrophe qui a fait 32 morts, le commandant Francesco Schettino n'avait pas fait le déplacement. Assigné à résidence, celui que la presse surnomme «le capitaine-poltron» est «inquiet pour sa sécurité», a expliqué l'un de ses avocats.

«C'est aussi bien que Schettino ne vienne pas», a réagi un rescapé, Sergio Amarotto. «Il n'a fait que dire un mensonge après l'autre pour se couvrir».

Une autre survivante, Francesca Bertaglia, ne décolérait pas: «C'est un imbécile et quelque part aussi un criminel. C'est impensable qu'il n'ait pas déclenché l'alarme».

Devant les juges, l'avocat du capitaine, Me Bruno Leporatti, a répété la thèse de son client: «il n'a pas volontairement quitté le navire» (Schettino a affirmé avoir glissé dans une chaloupe), et «la compagnie Costa a été constamment et complètement informée de ce qui se passait à bord du navire».

Neuf employés de la compagnie Costa sont poursuivis pour homicide par imprudence, naufrage et défaut de communication aux autorités maritimes. Le capitaine est poursuivi en outre pour avoir abandonné son navire alors que l'évacuation des passagers étaient en cours. Et samedi, le procureur Francesco Verusio l'a également accusé de «destruction de l'environnement dans un site protégé».

«audience technique et juridique»

La compagnie Costa s'est vu refuser le statut de «partie lésée» qu'elle revendiquait. Mais elle «reste dans le procès comme partie qui a subi un dommage avec la perte du navire», a expliqué l'avocat de Costa Crociere, Marco De Luca.

L'avocat s'est par ailleurs félicité que, «contrairement à ce que réclamait les parties civiles, la responsabilité pénale de la compagnie n'ait pas été reconnue». En revanche, la compagnie «reconnait sa responsabilité civile pour les dommages causés par ces employés.»

Plusieurs collectifs de naufragés se sont créés et des plaintes ont été déposées en Italie, en France et aux Etats-Unis contre le plus grand croisiériste européen, basé à Gênes et filiale du géant américain Carnival. Aux Etats-Unis, 39 passagers réclament à Carnival 520 millions de dollars de dommages et intérêts.

Au cours de l'audience, à huis clos, les avocats des survivants ont demandé des expertises et analyses supplémentaires. Me Giulia Bongiorno, qui représente 67 passagers italiens, allemands et brésiliens, a réclamé «une vérification des flux de communications entre le poste de commandement du navire et la salle des machines».

De son côté, Carlo Rienzi, président de Codacons (association de défense des consommateurs), a affirmé en avoir «assez d'entendre qu'une heure après l'accident, Costa ne savait rien». «C'est inacceptable qu'ils mettent tout de ce «pauvre» commandant - et je mets entre guillemets le «pauvre» bien sûr -», a-t-il dit aux journalistes lors d'une interruption de séance.

Le Costa Concordia transportait 4.229 personnes, dont 3.200 touristes de 60 nationalités différentes et un millier de membres d'équipage, lorsqu'il a heurté un rocher. La catastrophe a fait 32 morts, dont 25 ont été retrouvés.

Dans la foule samedi à Grosseto, Hilaire Blémand, père du jeune Français Mickaël Blémand, toujours porté disparu avec sa fiancée de 23 ans, Mylène Litzler. Aux journalistes qui lui demandaient comment il se sentait aujourd'hui, il a répondu, les larmes aux yeux : «très mal, très mal».

Interrogé plus tard au téléphone par l'AFP, le père de Mylène, Alain Litzler, s'est dit frustré par l'audience de Grossetto, très «technique et juridique». Il a aussi réclamé avec force que des tests ADN soient pratiqués sur les corps encore non identifiés.

«On ne sait même pas si ce sont nos enfants, si ce sont des hommes ou des femmes», s'est-il indigné, ajoutant que «personne ne comprend» la suspension de ces tests, obtenue par un avocat de la défense pour une question de procédure.