Une nouvelle fois, l'ex-chef du gouvernement italien Silvio Berlusconi, accusé de corruption de témoin dans le cadre de l'interminable procès Mills, a bénéficié de la prescription, a décidé samedi le tribunal de Milan.

Le Parquet avait requis à son encontre cinq ans de prison, tandis que la défense réclamait l'acquittement, ou à défaut la prescription du délit.

Après s'être retiré quelque trois heures en chambre du conseil, la juge Francesca Vitale a annoncé en moins d'une minute la prescription du délit dans une salle d'audience bondée de journalistes.

Le tribunal a 90 jours pour déposer ses attendus dans lesquels il motivera sa décision, permettant de comprendre s'il considère Silvio Berlusconi coupable ou non, indépendamment de la prescription.

Le procureur, Fabio de Pasquale, la mine défaite, a simplement déclaré à la presse : «je veux juste m'en aller».

«Une prescription à Milan représente un succès pour Silvio Berlusconi», a réagi plus tard Piero Longo, un des avocats du Cavaliere, en allusion aux nombreux procès engagés par ce tribunal à l'encontre de l'ex-chef du gouvernement, tandis que son collègue Niccolo Ghedini a estimé que leur client «mérite l'acquittement».

«Nous l'avons informé, il en a pris acte, il n'a rien dit», a ajouté Me Ghedini.

Le principal intéressé ne s'était pas rendu au tribunal. Silvio Berlusconi, vêtu d'un blouson de pilote offert par son ami Vladimir Poutine, a bien quitté samedi matin sa résidence de Rome pour Milan... Mais c'était pour assister à un important match de football du club qu'il préside, l'AC Milan, contre la Juventus de Turin.

Dans ce procès à multiples rebondissements, le Cavaliere était accusé d'avoir «acheté» pour 600.000 dollars des faux témoignages de son ex-avocat britannique David Mills dans deux procédures des années 90.

David Mills avait déjà été reconnu coupable, dans un procès à part, d'avoir reçu cet argent de M. Berlusconi. L'avocat d'affaires avait été condamné en février 2009 en première instance à quatre ans et demi de prison, peine confirmée en appel, avant que la Cour de Cassation ne prononce là aussi la prescription en février 2010, tout en dénonçant dans ses attendus l'existence d'un «cas de corruption gravissime».

En tout état de cause, le Cavaliere, 75 ans, qui clamait son innocence dans cette affaire, devait bénéficier de la prescription des faits à plus ou moins long terme. Mais une condamnation samedi aurait eu un gros impact symbolique.

Le magnat des médias avait d'ailleurs tout fait pour échapper au verdict des juges, y compris une demande de récusation de dernière minute du tribunal de Milan, l'accusant d'avoir prononcé «un verdict anticipé» de culpabilité en refusant d'entendre certains témoins de la défense. La demande avait été rejetée.

«La condamnation d'un innocent a été évitée», s'est félicitée samedi Fabrizio Cicchitto, chef des députés du Peuple de la liberté (PDL), le parti de Silvio Berlusconi, tandis que Maurizio Gasparri, chef des sénateurs du PDL, a carrément estimé que le procureur De Pasquale «ne pouvait pas rester dans la magistrature».

Pour sa part, l'ancien magistrat-vedette anti-corruption et actuel chef du parti Italie des valeurs (IDV) Antonio Di Pietro a affirmé «qu'une fois de plus la prescription sauve Berlusconi».

Le Cavaliere est aux prises avec la justice de son pays depuis près de 20 ans. En 1997 et 1998, il a été condamné à trois reprises en première instance à un total de 6 ans et 5 mois de prison ferme pour corruption, faux en bilan et financement illicite d'un parti politique. Mais à chaque fois, il a ensuite été acquitté ou a bénéficié de la prescription.

Aujourd'hui, il est poursuivi à Milan dans trois autres procès: Rubygate pour prostitution de mineure et abus de pouvoir, Mediaset pour fraude fiscale, et Unipol pour «violation du secret de l'instruction», en raison de la publication par le journal appartenant à sa famille de retranscriptions de conversations couvertes par le secret de l'instruction.