Les Lettons ont massivement rejeté samedi la possibilité d'instaurer le russe comme deuxième langue officielle de leur pays lors d'un référendum national reflétant le malaise de la minorité russophone de cette ex-république soviétique.

Selon les résultats publiés par la commission électorale et portant sur 95% des bureaux de vote, 74,62% des électeurs se sont prononcés contre l'instauration du russe comme deuxième langue officielle, seuls 25,06% d'électeurs ayant voté pour.

Les partisans du «oui» souhaitaient mettre fin à ce qu'ils considèrent comme une discrimination à l'égard des russophones.

Composée essentiellement d'anciens immigrés russes de l'époque soviétique, la minorité russophone représente environ un tiers des 2 millions d'habitants de ce pays balte.

Signe révélateur de l'importance que les Lettons ont attaché à ce référendum, le taux de participation a été très élevé (69,23%).

«C'est une question d'identité nationale, ce qui explique pourquoi la plupart des gens n'ont pas considéré ce référendum comme un simple jeu politique, et ont participé aussi massivement», a déclaré à l'AFP Ivars Ijabs, analyste politique à l'Université de Lettonie.

La participation a été particulièrement élevée dans la capitale Riga (77%) et dans les régions de Vidzeme (nord, 72%) et de Kurzeme (ouest, 70%) considérées comme des bastions du sentiment national.

Pendant la campagne, les partisans du «non» ont rappelé que des milliers de Lettons de souche avaient été envoyés par les Soviétiques dans des camps en Sibérie et que la langue russe avait été imposée dans la vie publique pendant que le pays était dominé par Moscou pendant cinq décennies.

La consultation nationale a été organisée à la suite d'une pétition du mouvement pro-russe «Langue natale», signée par 10% des électeurs.

«Notre principal objectif était d'amorcer le dialogue et ce dialogue vient de commencer», a déclaré à la télévision publique LTV1 le leader de ce mouvement, Vladimirs Lindermans, après la publication des résultats partiels.

«Cela a parfois été plutôt émotionnel et hystérique, mais même l'hystérie est mieux que le silence des 20 dernières années», a-t-il souligné.

La Lettonie a repris son indépendance de Moscou en 1991, à l'issue de 50 ans de domination soviétique, et a rejoint en 2004 l'Union européenne et l'OTAN.

Après l'indépendance, les immigrants russes qui s'étaient installés dans le pays ont dû demander la nationalité lettone en se soumettant à un test de langue pour ne pas devenir apatrides.

Pour Alekseï Vessoli, ancienne vedette lettone du patinage d'origine russe qui a représenté la Lettonie au niveau international, voter «oui» a été un signal en direction du pouvoir.

«J'ai voté pour, en espérant que le gouvernement s'aperçoive que beaucoup de gens se sentent abandonnés, et pour dire que le russe n'est pas une langue étrangère en Lettonie», a-t-il déclaré à l'AFP.

Lors des élections législatives de septembre, un parti d'opposition pro-russe, le Centre de l'Harmonie a remporté un succès historique avec près d'un tiers des sièges au Parlement.

Soutenu par la minorité russophone, ce parti n'a cependant pu s'insérer dans la coalition gouvernementale, car il pâtit d'une piètre opinion auprès des autres formations politiques, notamment à cause de son accord de coopération avec le parti Russie Unie du premier ministre russe Vladimir Poutine.

«Ce référendum, ce n'est pas la fin, ce n'est qu'un début... Bien sûr, nous allons respecter la loi, mais nous allons entreprendre d'autres actions», a prévenu M. Lindermans.