De nombreux Grecs, furieux de se voir imposer une nouvelle série de mesures d'austérité, entendent se venger de leurs élus aux élections anticipées que le gouvernement promet de tenir en avril.

«J'aimerais mieux voter pour le diable que pour l'un des 300 députés en poste. Nous voulons du sang neuf», a indiqué hier Doretta, une architecte rencontrée en après-midi dans l'une des rues adjacentes à la place Syntagma, au coeur d'Athènes.

Elle prenait alors une photo des décombres d'un immeuble historique brûlé lors des émeutes survenues dimanche en marge des délibérations du Parlement.

Son conjoint, Angelo, était encore plus lapidaire envers la classe politique du pays. «Ce ne sont pas des Grecs. Ils servent les intérêts des étrangers», a déclaré avec colère l'homme d'affaires, allant jusqu'à évoquer la nécessité de «les tuer».

«Ce sont les marionnettes du système. Nous ne vivons pas dans une démocratie, mais dans une dictature économique», a-t-il ajouté en refusant de donner son nom de famille.

Effy, une cadre du secteur bancaire qui prenait également des clichés des restes du bâtiment calciné, pense aussi qu'il est temps de donner un sérieux coup de balai dans le monde politique.

«À défaut de pouvoir voter blanc, il faut voter pour les petits partis de manière à briser les grands partis traditionnels», a déclaré la femme de 44 ans, qui a également refusé de donner son nom complet.

«Il ne faut pas oublier que nous sommes responsables des personnes qui ont été élues à ces postes», a-t-elle ajouté avant de disparaître parmi les piétons qui contemplaient la scène de destruction d'un air stupéfait.

Odeur de fumée

Une odeur de fumée continuait de peser lourdement sur le secteur hier, deux jours après les affrontements musclés qui ont opposé les forces de l'ordre à plusieurs centaines de manifestants enragés.

Plusieurs ont ponctué leur action par des graffitis qui soulignent haut et fort leur indignation à l'égard de la situation économique et politique du pays surendetté, forcé d'adopter de nouvelles mesures d'austérité pour s'assurer un nouveau prêt de 130 milliards d'euros des autorités européennes.

«Nous ne serons pas vos esclaves», dit l'un des messages. «Fuck the euro», en indique un autre, écrit en anglais sur la façade du pavillon de droit de l'Université d'Athènes. «Ceci est une révolution», ajoute un troisième.

Bien que la plupart des résidants de la capitale grecque rencontrés hier désavouent les actes de violence survenus dimanche, ils ne cachent pas leur frustration envers la situation du pays et multiplient les images sinistres pour évoquer leur sentiment que la Grèce est condamnée.

«On sent bien que les murs se rapprochent et que le plafond commence à descendre aussi, mais j'aimerais bien qu'il ne descende pas trop vite», dit Doretta, l'architecte.

Koskas Vergopoulos, un économiste qui partage son temps entre Paris et la capitale grecque, pense que la population du pays a tout à fait raison de s'indigner des mesures d'austérité retenues par le gouvernement à la demande des autorités européennes.

«C'est un plan d'austérité complètement stupide. [...] Ils rasent l'économie, détruisent tout et n'obtiendront pas ce qu'ils veulent. Les Grecs souffrent pour rien», relève M. Vergopoulos.

Lui aussi est convaincu que les partis traditionnels devront payer cher leur choix aux prochaines élections. «Ils sont finis, finis. Leur acte de mort a été signé dimanche», souligne l'économiste, qui ne s'étonne pas de la rapide montée en popularité des petits partis de gauche ayant mené bataille contre les mesures d'austérité.

Un récent sondage indique que ces formations remportaient près de 40% des voix contre 12% lors des élections de 2009. Les socialistes du Pasok et les conservateurs de la Nouvelle Démocratie, qui forment la coalition actuellement au pouvoir, récoltaient normalement 80% du total des voix.

Un doute sur les élections

Atophanes Koutoungos, professeur de philosophie de 64 ans durement touché par la crise, pense que c'est pour apaiser les esprits après les émeutes de dimanche que le gouvernement a annoncé lundi la tenue d'élections anticipées.

Il se dit convaincu que ce n'est qu'un leurre et que les grands partis traditionnels feront tout pour s'accrocher au pouvoir en reportant le scrutin.

«S'ils déclenchent des élections maintenant, ils n'ont aucune chance. Je ne crois pas qu'ils vont se suicider politiquement», note M. Koutoungos.