L'approche du premier tour de l'élection présidentielle française fait monter la pression sur les médias du pays, qui sont tentés de radicaliser leur traitement de l'actualité politique au risque de basculer dans l'esprit partisan.

Le problème se pose avec acuité au Figaro, où le directeur de la rédaction, Étienne Mougeotte, fait face à une fronde des journalistes du quotidien. Ils ont adopté la semaine dernière, en assemblée générale, un texte dénonçant la ligne éditoriale que défend leur patron, réputé proche du président Nicolas Sarkozy.

«Le Figaro, journal d'opinion, n'est pas le bulletin d'un parti, d'un gouvernement ou d'un président de la République», a relevé la société des journalistes.

Ses membres demandent à Étienne Mougeotte de veiller à ce que la couverture rende compte «de manière complète et pluraliste» de l'actualité «sans occulter tel ou tel sujet au motif qu'il pourrait embarrasser l'actuelle majorité».

«Mise en scène»

Le nouveau président de la société des journalistes du Figaro, Stéphane Durand-Souffland, explique qu'ils veulent d'abord et avant tout dénoncer la «mise en scène permanente» de l'information au sein du quotidien.

Les articles, dit-il, sont bien rédigés et ne font pas de controverse en soi, mais ils sont surmontés régulièrement de titres inappropriés et sont positionnés dans les pages de manière à servir les intérêts du chef de l'État et de son parti.

La mise en examen de deux collaborateurs de Nicolas Sarkozy dans une importante affaire de corruption a été traitée très discrètement par le journal récemment. À l'inverse, les nouvelles susceptibles d'embarrasser le camp socialiste sont souvent jouées en bonne place, relève M. Durand-Souffland.

François-Xavier Bourmaud, qui couvre le Parti socialiste au Figaro, relève que la direction se montre réticente à l'idée de publier des entrevues de fond avec des dirigeants de la formation de gauche. «On se fait dire qu'il n'y a pas de place, ça se passe comme ça», relève-t-il.

Biais assumé

Le quotidien se transforme en publication «partisane», déplore M. Bourmaud, qui voit un parallèle avec Libération, résolument ancré à gauche.

Il cite en exemple un récent numéro de ce journal dans lequel la première page et un large espace éditorial ont été réservés à une lettre au peuple français rédigée par le candidat socialiste François Hollande. Une autre première page la semaine dernière qualifiait le président de «réac».

À l'automne, Étienne Mougeotte avait invité les journalistes du Figaro qui n'étaient pas contents de l'orientation éditoriale qu'il défend à postuler au quotidien de gauche. «Nous sommes un journal de droite et nous l'exprimons d'ailleurs de manière claire. Les lecteurs le savent, les journalistes aussi. Il n'y a rien de nouveau sous le soleil», a-t-il répété au cours de la fin de semaine.

Pascal Virot, rédacteur en chef adjoint au service politique de Libération, estime que les journalistes politiques du Figaro font un bon travail, mais que la direction de leur quotidien se montre souvent «caricaturale» dans sa volonté de soutenir le président français.

«À Libération, nous avons évidemment une sensibilité de gauche, mais nous sommes d'abord et avant tout un journal critique», relève M. Virot, en insistant sur le fait que le quotidien n'hésite pas à écorcher les représentants de la gauche et leurs propositions.