À en croire les plus récents sondages, la campagne présidentielle française risque de tourner au duel entre le chef d'État sortant, Nicolas Sarkozy, et son adversaire socialiste, François Hollande. À près de deux mois du premier tour du scrutin, notre correspondant à Paris dresse un état des lieux en évoquant les forces et faiblesses de deux politiciens aux antipodes.

Il y a un an à peine, pratiquement personne en France ne voyait François Hollande comme candidat socialiste à l'élection présidentielle, encore moins comme favori. Les choses ont cependant bien changé depuis.

Le rassemblement politique réussi au Bourget il y a quelques semaines et ses apparitions télévisées ont contribué à consolider encore son image dans l'électorat sans pour autant le mettre à l'abri d'un revirement, relève le sociologue Denis Muzet.

«Ce qu'il a acquis avec le Bourget demeure extrêmement fragile. Il peut encore se dégonfler. Il y a un côté baudruche à considérer», relève l'analyste, qui insiste sur la volatilité de l'opinion publique.

Damien Philippot, de l'Institut français d'opinion publique (IFOP), est aussi d'avis que le politicien de gauche a renforcé sa position auprès de l'électorat au cours des dernières semaines sans pour autant lever tous les doutes.

«François Hollande a marqué beaucoup de points, mais les Français continuent de préférer Nicolas Sarkozy lorsqu'on leur demande quel candidat a le plus l'étoffe d'un président», indique-t-il.

Le candidat socialiste peut à l'inverse se féliciter d'être jugé plus crédible sur sa capacité à mettre de l'avant une «politique sociale» susceptible de répondre aux besoins de la population.

«Il est vu comme étant plus proche des préoccupations quotidiennes des Français que Nicolas Sarkozy, mais c'est un résultat assez classique pour un politicien de gauche», note M. Philippot.

À défaut d'avoir fait disparaître toutes les réserves, M. Hollande peut se targuer d'avoir réussi à «fédérer derrière lui une majorité d'électeurs socialistes et d'élus», relève M. Muzet.

Lors de la campagne présidentielle de 2007, la candidate socialiste Ségolène Royal avait beaucoup pâti du manque de cohésion au sein de son camp. Elle s'est félicitée récemment de constater que son successeur, et ex-conjoint, n'aurait pas à faire face à la même dynamique.

Selon Denis Muzet, le nouveau champion socialiste doit néanmoins se méfier des «apparatchiks» du parti et des risques de cacophonie qui minent souvent la gauche lorsque le «pot de confiture» du pouvoir semble être à portée de la main.

«S'il n'a pas la force de caractère, l'autorité et la capacité de décision requise, il peut se faire noyer par son entourage», relève l'analyste, qui s'inquiète aussi de la capacité du candidat à maintenir sa présence à l'échelle médiatique.

«Le système des médias tel qu'il existe appelle des personnalités, de grande gueule... François Hollande n'est pas du genre à taper sur la table, à faire des sorties tonitruantes. Il est plus lisse, plus gris et tend à passer entre les gouttes», relève M. Muzet.

Paris Dans les réunions avec ses proches collaborateurs, le président français continue d'afficher une confiance sans limites en ses chances de réélection.

Son opposant socialiste, répète-t-il, n'a pas l'envergure requise pour être le prochain chef de l'État français. Et il «ne tiendra pas la route» dans une campagne où la droite entend clairement sortir l'artillerie lourde.

La confiance affichée par Nicolas Sarkozy semble difficile à concilier avec les sondages qui continuent de prédire une large victoire de François Hollande au second tour par un écart variant entre 10 et 20 points de pourcentage.

Pour Damien Phillippot, directeur d'études à l'Institut français d'opinion publique (IFOP), cet écart s'explique par un «mouvement anti-Sarkozy» dans la population qui promet d'être l'élément «structurant» de la campagne.

Le sentiment de rejet, qui touche de vastes segments de l'électorat, découle à la fois du bilan du politicien et de son style, dit-il.

Les promesses faites lors de la campagne de 2007 sur la question du pouvoir d'achat n'ont pas été suivies de résultats. Et le chômage, en forte hausse, vient renforcer l'impression d'échec.

«Le sentiment exprimé sur ces enjeux dans les sondages est extrêmement négatif, voire violent», relève le représentant d'IFOP.

Malgré ses réserves, l'électorat estime que Nicolas Sarkozy, fort de son expérience des dernières années, demeure mieux placé que François Hollande pour faire face à la crise de la dette et veiller aux intérêts de la France.

Le candidat cherche à en tirer profit en mettant en scène ses interventions à ce sujet, comme il l'a fait cette semaine lors d'un passage remarqué à Paris de la chancelière allemande Angela Merkel.

Le hic, relève M. Philippot, est que la population ne fait pas le lien entre les efforts déployés par le gouvernement pour redresser les finances publiques et l'économie et ses préoccupations quotidiennes pour le chômage ou le pouvoir d'achat.

Le sociologue Denis Muzet relève par ailleurs que l'image du président lui nuit clairement.

Les efforts faits par l'Élysée pour le «représidentialiser» n'ont pas permis de lever l'impression négative laissée par son interventionnisme tous azimuts et sa propension à étaler sa vie privée.

«Il a tenté en 2011 de ne pas intervenir à tort et à travers pour faire président, mais là, on assiste à un retour du refoulé. Il ne cesse de sortir de nouvelles promesses comme autant de lapins d'un chapeau», souligne l'analyste.

L'énergie et la «niaque» du politicien, qui constituent de l'avis général un redoutable adversaire en campagne, pourraient même se retourner contre lui, juge M. Muzet, qui insiste sur le «problème de crédibilité» de Nicolas Sarkozy auprès des Français.

Outre Nicolas Sarkozy et François Hollande, quatre candidats déclarés à l'élection présidentielle récoltent actuellement plus de 1% de voix dans les sondages.





MARINE LE PEN

La fille de Jean-Marie Le Pen a récemment été épinglée pour avoir participé en Autriche à un bal organisé par l'extrême droite. Ses efforts pour adoucir l'image du Front national continuent néanmoins de donner des résultats et lui assurent une présence médiatique qui avait toujours été refusée à son père. Les solutions radicales que propose la politicienne pour contrer la crise économique - abandon de l'euro, retrait de l'Union européenne, rétablissement de barrières protectionnistes, etc. - sont décriées par les économistes, mais trouvent un large écho auprès des classes populaires. Les plus récents sondages lui attribuent environ 18% des voix, un score qui serait sous-évalué au dire de certains analystes en raison de la propension de l'électorat frontiste à cacher ses intentions de vote.





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Marine Le Pen

FRANÇOIS BAYROU

Le politicien centriste, qui s'était imposé comme le troisième homme lors de la campagne présidentielle de 2007 en remportant plus de 18% des voix au premier tour, a vu ses appuis monter en flèche depuis son entrée dans la course de cette année sans pour autant réussir à dépasser la barre des 15%. En recul de quelques points de pourcentage depuis quelques semaines, l'ex-ministre de droite, chantre de la rigueur économique, est activement courtisé par la formation de Nicolas Sarkozy. Les socialistes maintiennent pour l'heure leurs distances en évoquant les critiques du candidat contre le programme de leur formation, jugé trop dépensier. Une majorité d'électeurs de François Bayrou disent vouloir voter pour les socialistes au second tour.





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François Bayrou

JEAN-LUC MÉLENCHON

Le tribun du Front de gauche, qui regroupe plusieurs formations d'extrême gauche, multiplie les interventions musclées dans les médias et les rassemblements politiques, faisant de la lutte contre la finance l'un de ses principaux chevaux de bataille. En entrevue au quotidien Libération, il évoquait cette semaine la nécessité de «déprécariser» les salariés français, en défendant au passage des solutions comme la réquisition des entreprises qui pratiquent des «licenciements boursiers». Après avoir attaqué le socialiste François Hollande en le qualifiant de «capitaine de pédalo», il a recentré le tir sur le Front national, qui lui dispute l'appui des classes populaires. Il récolte près de 9% des voix dans les sondages.





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Jean-Luc Mélenchon

ÉVA JOLY

La candidate écologiste avait créé la surprise en remportant l'année dernière la primaire face à Nicolas Hulot, populaire animateur de télévision. L'ex-juge d'instruction, considérée comme une novice en politique, a notamment suscité la controverse en critiquant le candidat socialiste François Hollande après que son parti eut signé une entente avec la formation de gauche. Elle multiplie depuis peu les sorties médiatiques plus intimistes pour mieux se faire connaître de l'électorat français, qui exprime de sérieuses réserves à son égard. Selon une étude d'Ipsos, près de 80% de la population la trouve antipathique. Les intentions de vote en sa faveur ont chuté de 5 à 2% au cours des dernières semaines.

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Éva Joly