L'ex-ministre français du Travail Eric Woerth, un proche de Nicolas Sarkozy, a été mis en examen (inculpé) jeudi pour recel par les juges qui enquêtent sur des accusations de financement politique illégal en lien avec la milliardaire Liliane Bettencourt.

Mercredi, M. Woerth, 56 ans, avait déjà été mis en examen pour trafic d'influence, un délit voisin de la corruption, dans cette tentaculaire affaire comprenant également des soupçons de favoritisme et d'abus de faiblesse à l'égard de l'héritière des cosmétiques L'Oréal âgée de 89 ans.

À l'issue d'une deuxième journée d'audition à Bordeaux, Eric Woerth «a été mis en examen du chef de recel à raison d'une présumée remise de numéraire qui lui aurait été faite par Patrice de Maistre», ancien gestionnaire de fortune de Mme Bettencourt, indique le parquet de cette ville du sud-ouest de la France.

L'ancien ministre du Budget et du Travail (2007-2010) a été entendu jeudi par les trois juges qui instruisent les dossiers liés à la troisième fortune de France dans le cadre de l'information suivie pour escroquerie, abus de confiance, blanchiment, abus de faiblesse et recel au préjudice de Liliane Bettencourt, précise le parquet.

L'ancien pilier du gouvernement de Nicolas Sarkozy qui a porté la réforme des retraites risquait une inculpation pour «financement illicite de parti politique ou de campagne électorale».

Ces soupçons sont particulièrement gênants pour le président qui doit annoncer prochainement sa candidature à un second mandat pour la présidentielle des 22 avril et 6 mai pour laquelle il est donné largement perdant par les sondages face au candidat socialiste, François Hollande. C'est en effet le financement de sa campagne victorieuse en 2007 qui est visé par certaines des investigations des juges.

Eric Woerth, qui est également ancien trésorier du parti majoritaire UMP et de la dernière campagne de Nicolas Sarkozy, est accusé d'avoir reçu de l'argent liquide émanant de Liliane Bettencourt.

Les accusations proviennent de l'ancienne comptable des Bettencourt, Claire Thibout. Celle-ci a affirmé à plusieurs reprises à la police et à la justice qu'il lui avait été demandé début 2007 de retirer 150 000 euros destinés à être remis à Eric Woerth, alors trésorier de l'UMP.

Elle a déclaré avoir finalement remis 50 000 euros en espèces à l'ancien homme de confiance de la milliardaire, Patrice de Maistre, lequel lui aurait laissé entendre qu'il les remettrait le lendemain à Eric Woerth pour financer la campagne de M. Sarkozy.

Le financement politique en France est strictement réglementé depuis les années 1990. Les dons à des partis ou des personnalités sont possibles, mais strictement limités.

La mise en examen mercredi de M. Woerth pour trafic d'influence semble être liée aux conditions dans lesquelles l'épouse de l'ancien ministre a été embauchée dans la société gérant la fortune de Liliane Bettencourt.

Les enquêteurs cherchent à savoir si un lien peut être établi entre ce recrutement et la Légion d'honneur, la plus prestigieuse décoration française, obtenue en 2008 par Patrice de Maistre, homme de confiance de Liliane Bettencourt et dirigeant de cette société qui se consacre à la gestion de ses intérêts.

L'ancien ministre est aussi soupçonné d'abus de faiblesse sur la personne de Liliane Bettencourt, qui, selon une expertise réalisée en juin, souffre d'une «démence mixte» et d'une «maladie d'Alzheimer à un stade modérément sévère».

M. Woerth a toujours nié avoir commis le moindre délit.

Son avocat, Me Jean-Yves Le Borgne s'est félicité de «l'occasion qui est donnée à M. Woerth de s'expliquer». Evoquant une affaire «en forme de roman», et «l'intégrité d'Eric Woerth», il a estimé qu'il «faut des faits, et que ces faits font défaut». «Il faut qu'un jour, que j'espère proche, on en tire la conséquence», a-t-il dit.

Dans cette affaire née d'un différend familial entre Mme Bettencourt et sa fille, plusieurs personnes sont soupçonnées d'avoir profité de la faiblesse de la vieille dame pour lui soutirer de l'argent.