Et si on analysait les hommes et les femmes politiques avec les lunettes de l'éthologue - celui qui étudie le comportement des espèces animales - plutôt que celles du commentateur politique? C'est l'exercice auquel se livre Pascal Picq, maître de conférence à la chaire de paléoanthropologie et préhistoire du Collège de France. À quelques mois de la présidentielle française, il publie un livre surprenant dans lequel l'univers de Jane Goodall croise celui de Nicolas Sarkozy.

Pascal Picq a l'air de celui qui vient de faire un bon coup. Dans son dernier livre, L'homme est-il un grand singe politique?, ce scientifique nous propose un répertoire exhaustif des différents types de grands singes: mandrills, hurleurs bruns, geladas et singes à longue queue. Chaque type évoque à Pascal Picq un personnage de l'actualité française.

Ainsi, il est clair que le comportement de Nicolas Sarkozy s'apparente à celui du chimpanzé mâle dominant, que Martine Aubry et Angela Merkel incarnent très bien le type «Mama d'Arnhem» (aucun mâle ne peut accéder au statut de dominant sans son soutien), et que François Hollande est l'orang-outang pour qui «il est dangereux d'avoir trop de poids dans les arbres. Vaut mieux perdre un peu et il en a perdu, du poids», ajoute Picq, sourire en coin.

«Les chimpanzés ne sont pas nos ancêtres, ce sont nos frères d'évolution», poursuit l'auteur qui s'étonne qu'entre Charles Darwin et lui, personne ne se soit intéressé aux grands singes sous l'angle de l'anthropologie.

C'est donc une visite en règle de la planète des singes par l'entremise de l'éthologie que nous propose Picq, durant laquelle on découvre que nos points communs avec les chimpanzés sont peut-être encore plus nombreux qu'on l'imaginait. Et que les singes font, eux aussi, de la politique avec ce que cela comporte.

Aujourd'hui, remarque Pascal Picq, les idées et les grands discours à la de Gaulle ont été évacués du champ politique. Ne reste plus que l'image, d'où l'intérêt d'étudier les comportements de chacun, plus révélateur que des promesses sans lendemain. «Actuellement, nos politiciens se livrent à des séances d'épouillage», lance-t-il. Selon lui, l'épouillage est aux singes ce que les poignées de main sont aux politiciens, une tentative de séduction en vue d'être choisi, ou élu.

C'est le livre La politique des chimpanzés, publié en 1982 par Frans de Waal, qui a fortement inspiré Pascal Picq à étudier les rapports sociaux entre les singes. À la fin des années 90, il s'est rendu - comme de Waal quelques années plus tôt - au zoo d'Arnhem, en France, pour étudier et surtout filmer les grands singes. «C'est en observant la richesse de leurs interactions sociales que de Waal avait proposé cette idée de politique chez les chimpanzés, note Pascal Picq dont le film Du rififi chez les chimpanzés, tourné en 1998, ne montre rien de moins qu'un coup d'État parmi les protagonistes poilus. «La société des singes ressemble beaucoup à celle des hommes, note M. Picq de passage à Montréal à l'invitation de l'émission Bazzo.TV. C'est une société de fusion-fission c'est-à-dire que les singes se dispersent durant la journée à la recherche de nourriture et se retrouvent le soir, comme les humains qui se séparent pour aller travailler et se refusionnent la journée terminée pour des raisons amicales, sociales et émotives.»

Dans ce livre touffu où le néophyte se perdra peut-être un peu, Dominique Strauss-Khan a bien entendu droit à quelques lignes. Dans le prologue, intitulé la chute de King Kong, l'auteur écrit: «L'homme est-il le seul animal politique? Une chose est sûre: la politique éveille parfois la bestialité des hommes.»

Une question brûle les lèvres: que ferait la communauté des grands singes face à un comportement déviant d'un des leurs? «Il pourrait être répudié, rejeté par ses semblables», affirme Pascal Picq. DSK est chanceux. Comparé au singe, l'humain, semble-t-il, est plus indulgent.

Photo: Archives AFP

Pour le paléoanthropologue Pascal Picq, le candidat socialiste à la présidentielle française François Hollande peut être comparé à un orang-outang.