Les recherches d'éventuels survivants et des corps des disparus du naufrage du Costa Concordia, près d'une île italienne, ont repris lundi peu avant 14h30 GMT (9h30, heure de Montréal) grâce à une amélioration des conditions météorologiques, a annoncé un porte-parole des pompiers à l'AFP.

«Nous avons repris les opérations après avoir vérifié que le navire s'est stabilisé», a déclaré Luca Cari, en soulignant que le vent est tombé, qu'il ne pleut plus et que la mer est nettement moins agitée.

Les sauveteurs avaient dû interrompre leurs recherches lundi midi dans l'épave du Costa Concordia, en raison des «conditions désastreuses» liées au mauvais temps qui s'est levé sur l'île italienne du Giglio, où le naufrage a fait au moins six morts.

«Il est impossible de travailler», avait déclaré à l'AFP le chef des plongeurs des garde-côtes, Rodolfo Raiteri. Selon lui, les mauvaises conditions météo ont entraîné «un mouvement de 9 centimètres du navire», ce qui les a contraints à évacuer toutes les unités de secours.

«Les conditions sont désastreuses. Il est très difficile de passer dans les couloirs encombrés de nombreux objets», avait-il poursuivi. Même le corps de la sixième victime, encore non identifiée, retrouvée lundi à l'aube, n'a pas pu être extrait du navire.

M. Raiteri a expliqué attendre «une analyse pour être sûr que le navire est stable afin de pouvoir reprendre les opérations» de recherche d'éventuels rescapés, dont la découverte tiendrait désormais du miracle près trois jours après le naufrage dans la soirée de vendredi.

«J'ai toujours espoir, parce qu'on ne peut jamais savoir dans ce labyrinthe, une bulle d'air peut permettre à des personnes de vivre un peu plus longtemps», avait déclaré un peu plus tôt à l'AFP le maire du Giglio, Sergio Ortelli.

Lundi à l'aube, après une nuit de recherches sans relâche, les sauveteurs ont retrouvé le corps d'un homme, muni de son gilet de sauvetage, sur le deuxième pont, dans la partie émergée du navire. Son identité et sa nationalité ne sont pas encore connues.

Le bilan provisoire s'élève à six morts, dont deux Français, un Italien, un Espagnol, un membre d'équipage péruvien, une soixantaine de blessés et seize disparus. Parmi eux, figuraient dimanche soir quatre Italiens, deux Américains, deux couples de Français, et une personne dont la nationalité n'a pas été communiquée.

Outre la tragédie humaine, les autorités redoutent un «désastre» écologique avec la fuite des 2380 tonnes de carburant qui se trouvent dans les entrailles du mastodonte, en équilibre sur des rochers à moins de 50 mètres de la côte.

Le naufrage comporte «un très haut risque» pour l'environnement de l'île du Giglio, entourée d'une réserve naturelle protégée, et «une intervention est urgente», a déclaré le ministre de l'Environnement, Corrado Clini.

«L'objectif est d'éviter que le carburant ne s'écoule du navire: nous travaillons sur cette question», a-t-il ajouté. «C'est un gazole dense, lourd, qui pourrait se sédimenter sur les fonds, ce serait un désastre», avait-il déclaré à La Stampa, imaginant le pire, «avec les effets, connus en pareil cas, sur la faune marine et les oiseaux».

Une équipe d'experts de la société néerlandaise Smit&Salvage tente de mettre le navire en sécurité.

«D'après les premières constatations, le navire semble assez stable, il n'y aucune fuite, tout est sous contrôle pour l'instant», a affirmé le maire, tout en disant redouter cette «bombe écologique qui se trouve à l'intérieur du navire».

En attendant, le commandant du Costa Concordia, Francesco Schettino, est dans la ligne de mire. Accusé d'homicides multiples et abandon du navire (il risque douze ans de prison pour ce seul délit), il se trouve en détention depuis samedi à Grosseto (centre) notamment en raison de «risque de fuite et de dissimulation de preuves», selon le procureur en charge de l'enquête, Francesco Verusio.

Selon des témoins cités par le Corriere della Sera, il a voulu «faire plaisir» au responsable des serveurs, Antonello Tievoli, originaire de l'île du Giglio en passant près de ses côtes, pour le récompenser d'avoir renoncé à une semaine de congés.

«Le grand naufrage pour une petite faveur», titre le journal, à propos de cette parade, surnommée l'«inchino» (la révérence), toutes lumières allumées et à grand renfort de sirènes pour saluer les habitants de la côte.

Le patron de Costa Crociere, société propriétaire du paquebot, a déploré une erreur humaine «impondérable» du commandant dont il s'est officiellement «dissocié», lundi au cours d'une conférence de presse au siège de la société à Gênes (centre de l'Italie), dont les drapeaux ont été mis en berne en signe de deuil.

Visiblement très ému, Pier Luigi Foschi, qui semblait parfois retenir ses larmes avec peine, a par ailleurs rendu un hommage appuyé aux membres d'équipage «qui se sont tous comportés en héros». Ils ont réussi à évacuer «plus de 4000 personnes en deux heures», a-t-il souligné.

Revenant sur la catastrophe, il a répété: «C'est un fait exceptionnel, imprévisible», une erreur humaine «impondérable».

Le PDG de Costa Crociere (groupe américain Carnival) a affirmé que la trajectoire qu'a décidé de prendre le commandant était «une initiative de sa volonté, contraire aux règles écrites, certifiée» par la compagnie.

M. Foschi a en revanche pris ses distances avec les accusations d'abandon du navire. «Nous avons des témoignages internes, fiables, selon lesquels il est resté très longtemps à bord. Une enquête est en cours», a-t-il dit.

Le défenseur du capitaine du paquebot, Me Bruno Leportetti, a de son côté affirmé que celui-ci, «très affecté» par la catastrophe, avait effectué une «manoeuvre brillante» après l'impact sur le rocher «pour rapprocher le plus possible le navire de la côte» et «éviter que le bateau coule en haute mer». Je ne suis pas d'accord avec les charges contre lui», a déclaré l'avocat.

À l'inverse, certains font figure de héros après le drame qui évoque le naufrage du Titanic -et le film qu'en a tiré James Cameron- cent ans après la tragédie. Tel le commissaire de bord Manrico Giampietroni qui a sauvé des dizaines de personnes avant de tomber dans un trou, se fracturant une jambe. «Je n'ai fait que mon devoir», a sobrement commenté M. Giampetroni, qui a été évacué dimanche après 36 heures passées bloqué dans l'épave.

Un couple de jeunes mariés sud-coréens, qui a pu lui aussi être sauvé, a raconté son cauchemar à l'agence sud-coréenne Yonhap.

«Lorsque nous nous sommes réveillés, le bateau penchait», a déclaré Han Ki-Deok, 29 ans qui effectuait un voyage de noces avec Jeong Hye-Jin et s'est retrouvé dans le froid et le noir, se nourrissant pendant trente heures de biscuits et d'eau.

Le croisiériste américain Carnival, dont le titre a chuté lundi matin de 17,48% à la Bourse de Londres, a chiffré lundi entre 85 et 95 millions de dollars l'impact immédiat sur ses comptes du naufrage du Costa Concordia.

Prémonition ou ironie du sort, le commandant Schettino avait déclaré en 2010 à un journal tchèque: «Je ne voudrais jamais être dans le rôle du commandant du Titanic», en ajoutant: «pour moi la sécurité des passagers compte au-dessus de tout».

Photo: AP

Francesco Schettino