En France, les résidants des banlieues défavorisées qui aspirent à une vie meilleure peuvent désormais compter sur l'appui... du Qatar.

Le richissime émirat vient en effet d'annoncer la création d'un fonds d'investissement de 50 millions d'euros (environ 65 millions CAN) destiné aux jeunes entrepreneurs de ces quartiers. À ceux qui pourraient voir l'intervention du riche État gazier comme un geste embarrassant pour Paris, l'ambassadeur Mohamed Jahan Al-Kuwari affirme: «Ce n'est pas une aide, ce n'est pas de la charité.»

L'idée de ce fonds d'investissement est venue de l'Association nationale des élus locaux de la diversité (ANELD), qui réunit des élus de divers horizons politiques et origines.

Le groupe, présidé par Kamel Hamza, conseiller municipal lié au parti de la majorité gouvernementale, avait sollicité l'aide du Qatar à l'automne. «Avec la crise économique, il est de plus en plus difficile de trouver des fonds. Mais ce n'est ni de la philanthropie ni du mécénat. C'est un investissement gagnant-gagnant et il va falloir présenter des projets sérieux», a-t-il expliqué au quotidien Le Monde il y a quelques jours.

L'association Ville et Banlieue ne s'oppose pas à ce que le Qatar avance des fonds pour soutenir la création d'entreprises dans les banlieues, mais elle y voit la «révélation du désengagement du gouvernement français». «Les crédits sont en diminution constante», déplore le directeur général de l'organisation, Camille Vielhescaze, qui craint de voir les jeunes les plus créatifs partir à l'étranger.

Joint par La Presse, M. Hamza a refusé de revenir sur le sujet. «S'il y a une polémique, le projet va s'arrêter là et les perdants seront les banlieues», a déclaré l'élu, qui a déjà soumis des dizaines de projets à l'ambassade.

Le ministère de la Ville a de son côté fait savoir qu'il ne trouve rien à redire à l'initiative, qu'il voit comme une «reconnaissance des talents et capacités de créations d'entreprises dans les quartiers populaires».

Le Qatar n'est pas le seul pays à intervenir dans les banlieues. Les États-Unis offrent depuis plusieurs années déjà des voyages de formation outre-Atlantique aux jeunes les plus prometteurs. Selon Mohamed Ali Adraoui, professeur à Sciences po, ce programme vise à créer des ponts avec les élites issues «de la diversité» pour les sensibiliser à la réalité américaine.

Rayonnement

Les visées du Qatar sont plus vastes, relève le chercheur, qui insiste sur la volonté de diversification et de rayonnement du petit État. Ahmed El-Keiy, journaliste et animateur de radio qui connaît bien la dynamique des banlieues, relève que les 50 millions d'euros annoncés ne représentent qu'une fraction «ridicule» des investissements du Qatar en France.

Le pays, en plus d'acquérir le club professionnel de soccer de Paris et les droits télévisés pour plusieurs matchs sportifs par l'entremise de la chaîne Al-Jazira, a des participations dans plusieurs grandes sociétés françaises, avec l'aval du gouvernement. «Il y a d'importants investissements qataris en France et d'importants investissements français au Qatar», note M. El-Keiy, qui ne voit pas en quoi ce fonds créé par Doha constitue un «désaveu» de la politique française à l'égard des banlieues.