David Cameron a engagé une partie de «poker» en pressant lundi les nationalistes écossais d'avancer leur référendum d'indépendance et d'en rendre le résultat contraignant plutôt que consultatif, dans l'espoir qu'une surenchère politique favorise le «non».

L'inscription de la question référendaire au conseil des ministres de lundi a immédiatement provoqué une levée de boucliers de la part du Parti national écossais (SNP) au pouvoir à Édimbourg, qui accuse Londres d'ingérence et de duplicité.

Dans une interview télévisée, la deuxième en deux jours, le premier ministre britannique a justifié par un souci de clarification sa hâte soudaine d'en découdre avec des velléités indépendantistes qu'il condamne: «Nous n'allons pas dicter notre position, mais nous devons lever l'incertitude légale et essayer en commun avec le gouvernement écossais de nous assurer d'une réponse juste, claire et décisive», a-t-il dit sur Sky News.

L'incertitude est, selon lui, «très dommageable» pour les milieux d'affaires et les habitants de la région semi-autonome, rattachée depuis trois siècles au Royaume-Uni, mais dotée depuis 1999 de son propre gouvernement.

Le SNP d'Alex Salmond, qui détient depuis mai 2010 la majorité absolue au parlement d'Édimbourg, entend convoquer un référendum consultatif. Mais il voudrait le faire dans la seconde moitié de la législature qui s'achève en 2015. Avec une préférence marquée pour l'automne 2014, date à laquelle les Écossais célébreront le 700e anniversaire d'une victoire historique sur les troupes anglaises d'Édouard II, à la bataille de Bannockburn.

Le Times (conservateur) relève que M. Cameron engage «un pari à très haut risque» en proposant d'organiser le référendum sous 18 mois, et en cherchant à imposer une question unique -«oui, ou non»- qui aurait force légale. Plusieurs médias évoquent «un coup de bluff», comme au poker.

«La plupart des Écossais, en entendant David Cameron, s'exclameront, «nous y revoilà», il s'agit d'une nouvelle tentative d'un gouvernement conservateur pour s'ingérer dans une décision qui appartient aux Écossais», s'est récriée lundi sur la BBC Nicola Sturgeon, numéro 2 du SNP.

D'après elle, un tel diktat favorisera «le soutien à l'indépendance» parmi les 5 millions d'Écossais. En décembre, 38% d'entre eux étaient favorables à l'idée, selon un sondage MORI.

Mme Surgeon a aussi relevé qu'«au Royaume-Uni, les référendums sont consultatifs et n'ont pas force de loi».

Elle a assuré que son parti s'en tiendrait à son calendrier, mais a cultivé l'ambiguïté sur la possibilité de poser «une seconde question qui donnerait aux Écossais un maximum de choix».

Après son triomphe électoral en mai 2010, Alex Salmond a décrété que «manifestement, l'indépendance est en route». Il a cependant laissé planer la possibilité de procéder par étapes, en sondant les Écossais sur «une version légère» se contentant dans un premier temps d'une indépendance financière accrue.

Les conservateurs soulignent que les ressources naturelles de la région -pétrolière, gazière et halieutique- sont menacées et que son secteur bancaire souffre particulièrement de la crise économique.

Mais ils redoutent par-dessus tout un éclatement du Royaume-Uni, depuis que le travailliste Tony Blair a accordé une large autonomie à l'Écosse, au Pays de Galles et à l'Irlande du Nord en 1998.

À ce jour, le parlement écossais a des compétences en matière d'éducation, de santé, d'environnement et de justice, mais les questions relatives aux affaires étrangères et à la défense relèvent du gouvernement britannique.

«S'ils veulent organiser un référendum, je combattrai de toutes mes forces pour le maintien de l'Écosse au sein du Royaume-Uni», a promis M. Cameron en début d'année.