Le premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a regretté vendredi la mort dans un raid aérien de 35 contrebandiers kurdes confondus avec des rebelles kurdes à la frontière turco-irakienne, alors que les séparatistes ont appelé au «soulèvement» et que les victimes étaient inhumées.

«Le résultat est malheureux et affligeant», a déclaré M. Erdogan qui a présenté devant la presse à Istanbul ses condoléances aux proches des victimes.

«Selon les images (de drones) un groupe de 40 personnes se trouvait dans la zone. Impossible de dire de qui il s'agissait (...) Plus tard, il a été déterminé qu'il s'agissait de contrebandiers transportant des cigarettes, et du carburant à dos de mules», a-t-il dit, dans sa première réaction à la bavure militaire.

M. Erdogan a tenté de justifier le raid par le fait que dans le passé les rebelles avaient emprunté le même chemin pour transporter à dos de mules leurs armes et munitions afin d'attaquer des postes militaires.

Des milliers de Kurdes en colère ont enterré les jeunes victimes du bombardement et ont conspué M. Erdogan, le qualifiant de meurtrier.

La foule endeuillée a accompagné dans un convoi de voitures et d'ambulances les cercueils des victimes depuis la bourgade d'Uludere, où les corps ont été autopsiés et où un service funèbre a été célébré à la mosquée, jusqu'au cimetière du village de Gülyazi, près de la frontière irakienne.

À l'issue du défilé des véhicules, au son des avertisseurs, l'assemblée funèbre a scandé «Erdogan est un assassin».

«C'était une jeune pousse, nous n'avons pas pu la cultiver», s'est lamentée la mère de Vedat Encu, âgé de 13 ans.

«Je veux dire au chef d'état-major que mon fils est un martyr est qu'il ne portait aucune arme», a hurlé le père de l'adolescent décédé.

«Erdogan, imbécile, Öcalan aura ta peau», a clamé la foule, invoquant la vengeance du chef emprisonné du PKK, Abdullah Öcalan, a constaté une journaliste de l'AFP.

Les corps ont été déposés dans une vaste fosse commune.

Plusieurs députés du Parti de la Paix et de la démocratie (BDP), la principale formation pro-kurde de Turquie, étaient présents, de même que les symboles du PKK.

L'armée, après avoir initialement annoncé que son opération visait des rebelles qui tentaient de s'infiltrer en Turquie depuis l'Irak, a elle aussi présenté vendredi des condoléances, un geste inhabituel équivalant à la reconnaissance d'une erreur.

Le PKK a pour sa part appelé les Kurdes au soulèvement et dénoncé un acte intentionnel de l'armée.

«Nous appelons le peuple du Kurdistan (...) à réagir contre ce massacre et à demander des comptes à ses auteurs en se soulevant», a déclaré Bahoz Erdal, un des cadres de la branche armée du PKK, dans un communiqué.

Le PKK utilise le terme kurde de «serhildan» (soulèvement) pour désigner des actions de protestation violente, impliquant des heurts avec la police, et de désobéissance civile.

Des heurts entre manifestants kurdes et policiers se sont déjà produits jeudi à Istanbul et dans plusieurs villes du Sud-Est anatolien, peuplé en majorité de Kurdes.

Plusieurs centaines de manifestants ont brûlé vendredi le drapeau turc à Erbil, la capitale de la région autonome du Kurdistan d'Irak, tandis que dans la ville de Souleimaniye, un rassemblement similaire a également réuni des centaines de personnes.

L'armée turque, qui bombarde régulièrement les repaires du PKK en Irak, affronte depuis l'été une flambée de violence des rebelles qui utilisent leurs bases arrières en Irak pour lancer des attaques en territoire turc.

Le PKK, considéré comme une organisation terroriste par de nombreux pays, a pris les armes en 1984 et le conflit a fait au moins 45 000 morts.