Le départ du Kremlin de Vladislav Sourkov, principal idéologue du régime de Vladimir Poutine, marque la fin d'une époque en Russie mais ne présage pas la libéralisation d'un système en proie à une vague de contestation sans précédent, estimaient mardi des analystes.

Le chef adjoint de l'administration présidentielle chargé de la politique intérieure depuis 1999 a été nommé mardi vice-premier ministre chargé de la modernisation, thème préféré du président Dmitri Medvedev qui devrait devenir premier ministre après la présidentielle de mars 2012.

«C'est la fin d'une époque. Sourkov était l'auteur du théâtre politique qui existait en Russie ces dernières années», a déclaré à l'AFP la sociologue Olga Krychtanovskaïa, spécialiste des élites russes et membre du parti au pouvoir Russie unie.

Auteur du concept de «démocratie dirigée», on lui prêtait le pouvoir de faire et défaire les partis politiques et de tenir sous contrôle le système politique.

C'est lui qui a déclaré à l'ancien président soviétique Mikhaïl Gorbatchev que son nouveau parti ne serait jamais enregistré et qui avait écarté le milliardaire Mikhaïl Prokhorov d'un parti de droite à la veille des législatives, à en croire les intéressés.

«En quittant le Kremlin, Sourkov cesse de gérer les processus politiques», a déclaré le politologue pro-Kremlin Sergueï Markov sur la radio Echo de Moscou.

L'homme fort du pays, le premier ministre Vladimir Poutine, et le président Medvedev «lui fixaient un cadre, mais sa marge de manoeuvre était large», a souligné Mme Krychtanovskaïa.

Peu après le recul du parti Russie unie aux législatives du 4 décembre, jugées frauduleuses par l'opposition et la montée en puissance du mouvement de contestation, M. Sourkov a surpris avec des déclarations tranchant avec celles de ses chefs.

Si Vladimir Poutine a comparé les opposants à une tribu de singes, son idéologue a estimé que «les meilleurs représentants» de la société sortaient dans la rue. «Qui voudra préserver la corruption, l'injustice et un système sourd dont l'idiotie progresse? Personne! Même ceux qui en font partie», a-t-il déclaré.

Une source dans le gouvernement russe a déclaré au quotidien Kommersant que M. Sourkov avait été écarté de la politique intérieure suite à une série «d'échecs».

Selon Mme Krychtanovkaïa, cette décision est loin d'être «un geste» envers l'opposition qui réclame dans la rue l'annulation des résultats des législatives et le départ de Vladimir Poutine, candidat à la présidentielle de mars 2012, après deux mandats au Kremlin entre 2000 et 2008.

Viatcheslav Volodine, responsable sans relief du parti Russie unie qui a été nommé à l'administration présidentielle pour remplacer Sourkov, «est plus dur et plus conservateur», a souligné l'experte.

M. Volodine et Sergueï Ivanov, un proche de Vladimir Poutine issu comme lui des rangs du KGB soviétique nommé le 22 décembre à la tête de l'administration présidentielle, «prendront des décisions plus rigides», ajoute-t-elle.

«Il est fort probable que la politique (intérieure) sera dure», conclut-elle.

Même son de cloche chez l'ex-ministre des Finances Alexeï Koudrine, un proche de Vladimir Poutine qui a participé au gigantesque rassemblement d'opposition du 24 décembre à Moscou, appelant à un «dialogue» entre pouvoir et opposition afin d'éviter une «révolution».

«La décision sur le départ de Sourkov a été prise par Poutine et Medvedev, c'est une tentative de renouveler le système politique», a-t-il déclaré sur la radio Kommersant FM.

Mais «j'aurais préféré voir quelqu'un d'autre» pour remplacer M. Sourkov, a-t-il ajouté.

«Volodine est membre de Russie unie et il a tout fait pour assurer un bon résultat au parti. Je nommerais une personne plus neutre pour que les autres partis politiques puissent lui faire confiance», a-t-il souligné.