Au lendemain de la fusillade meurtrière, les Liégeois peinaient à comprendre le geste de Nordine Amrani, tandis que le corps d'une cinquième victime a été retrouvé.

À première vue, la vie semblait presque avoir retrouvé son cours normal hier matin au coeur de Liège, place Saint-Lambert, moins de 24 heures après qu'un forcené eut ouvert le feu sur une foule sans défense.

Les actions du tireur, qui a tué 4 personnes et en a blessé 125 autres avant de s'enlever la vie, étaient cependant sur toutes les lèvres et dans toutes les têtes.

Des adolescents montraient les abribus abîmés en secouant la tête. D'autres passaient les doigts sur la vitrine endommagée d'un commerce dont la vitre a été gravement abîmée par une détonation, l'air incrédule.

Joëlle Quetter, elle, est venue au début de la journée, malgré la pluie glacée, pour déposer une gerbe de fleurs en mémoire des victimes.

«On se sent tous concernés par ce qui est arrivé ici. D'autant plus que ça aurait pu être nous», a déclaré cette mère de 32 ans, qui ne «comprend pas» comment Nordine Amrani a pu commettre un tel geste.

«Peut-être qu'il voulait faire comme le tireur norvégien?», a avancé une amie en évoquant le massacre perpétré l'été dernier par Anders Behring Breivik, qui a tué 77 personnes.

Vassinto Conti, lui, est revenu sur la place pour récupérer un sac abandonné dans sa fuite la veille. Lorsque la première explosion est survenue, il sirotait un café dans la boulangerie située sous la plateforme où le tireur a pris place.

Fébrilité

L'homme de 86 ans a vu une victime allongée derrière un autobus. Un autre «bang» a suivi, des tirs en rafale et un troisième «bang». «Un homme tentait de rentrer. Le souffle de l'explosion a fait bouger les portes et je l'ai vu tomber au sol», relate M. Conti, immigré d'origine italienne qui s'est installé en Belgique après la Seconde Guerre mondiale.

«Les mitraillettes ne me font pas peur. J'ai risqué ma vie plusieurs fois, mais là, je suis toujours un peu fébrile», a indiqué le vieil homme, qui ne comprend rien non plus des actions du tireur de 33 ans.

La question revenait dans pratiquement toutes les conversations. Et sur un panneau de bois posé sur la place avec les bouquets de fleurs et les chandelles qui demandait «Pourquoi?» en français et en flamand.

Julien Schreiber, qui s'affairait en matinée à rouvrir un petit commerce de hamburgers et de vin aménagé spécialement pour le temps des Fêtes, pense que l'homme a préféré «tout faire sauter» plutôt que de prendre le risque de retourner en prison.

«C'est difficile d'expliquer ce qui s'est passé de manière rationnelle. Je pense qu'il se sentait pris en étau», a dit le jeune homme de 20 ans, qui n'avait guère le coeur à travailler.

L'avocat de Nordine Amrani, Jean-François Dister, a indiqué hier à la radio belge que son client l'avait appelé à quelques reprises le jour du drame parce qu'il s'inquiétait d'une convocation reçue dans une affaire de moeurs. L'homme de 33 ans, en libération conditionnelle, devait être reçu par la police une heure après le moment où il a décidé d'ouvrir le feu.

Cinquième victime retrouvée

Pour compliquer plus encore la situation, les autorités ont indiqué hier que le corps sans vie d'une femme de ménage de 45 ans a été trouvé hier dans un bâtiment appartenant au tireur. Elle aurait été tuée le matin du drame.

Les voisins de Nordine Amrani, qui logeait dans un immeuble situé dans une paisible rue résidentielle voisine de la place, n'avaient aucune réponse à apporter. «Je lui disais bonjour, au revoir, c'était un homme qui ne faisait pas d'histoires», a déclaré une voisine en s'excusant.

Le quotidien Le Soir a relevé en éditorial que les Liégeois avaient droit à une réponse détaillée des forces policières et des élus, qui excluent un acte terroriste. Et qu'il était important, dans le processus, de couper l'herbe sous le pied aux racistes qui évoquent sur les réseaux sociaux l'appartenance ethnique du tueur pour expliquer son geste.

Omar, Liégeois d'origine maghrébine venu faire ses courses hier place Saint-Lambert, a indiqué qu'il craignait que la communauté arabe soit stigmatisée à tort. «Vous savez, on est déjà pas bien vus avec ben Laden et tout ça», a-t-il expliqué.