Le président de la chambre des députés russe, Boris Gryzlov, un exécutant fidèle de la ligne du Kremlin, a annoncé mercredi qu'il quittait son poste, des experts y voyant le signe que le pouvoir a entrepris de rafraîchir le paysage politique après des législatives très contestées.

«J'ai pris la décision de renoncer à mon mandat parlementaire (...), il ne serait pas correct d'être le président de la Douma pour plus de deux mandats consécutifs», a déclaré M. Gryzlov, dans un communiqué publié sur le site du parti Russie unie, le parti du premier ministre Vladimir Poutine, dont il reste un des dirigeants.

Ancien ministre de l'Intérieur, M. Gryzlov, 61 ans jeudi, était depuis 2003 à la tête d'une Douma au rôle de plus en plus réduit depuis l'arrivée au pouvoir en 2000 de M. Poutine.

L'annonce de son départ de la présidence de la chambre basse du parlement intervient après une victoire en demi-teinte de Russie unie aux législatives du 4 décembre, à l'issue desquelles le parti a obtenu la majorité absolue avec 238 des 450 députés, mais beaucoup moins que les 315 sièges dont il disposait auparavant.

Elle survient aussi à un moment où le pouvoir russe est confronté à un mouvement de contestation sans précédent de l'opposition libérale, écartée du Parlement depuis une décennie, et qui réclame l'invalidation du scrutin faussé selon elle par des fraudes massives.

Le président Dmitri Medvedev a déclaré, en rencontrant mardi les dirigeants de Russie unie et ceux des trois autres partis représentés à la Douma, que le résultat des élections témoignait d'une «situation nouvelle» dont il convient de «tenir compte» dans la constitution des instances dirigeantes de la chambre des députés.

Ces trois formations, déjà présentes dans l'assemblée sortante où elles n'ont jamais réellement inquiété le pouvoir, ont vu leur représentation s'élargir à l'issue des élections du 4 décembre, notamment le Parti communiste, qui a désormais 92 sièges.

L'annonce par M. Gryzlov de son retrait pourrait entrer dans le cadre de ce rafraîchissement du Parlement russe annoncé par Dmitri Medvedev, seule mesure rendue publique par le pouvoir russe après les élections et les manifestations sans précédent d'opposants le 10 décembre.

«Ce n'est pas la décision de Gryzlov, mais celle de Poutine», a commenté le politologue Stanislav Belkovski.

La presse libérale russe et des analystes ont prédit des changements au sein du parti au pouvoir et au Parlement en réponse à la nouvelle donne politique.

«Lorsque l'opposition a presque la moitié des sièges au Parlement, les jours où Russie unie pouvait tout avoir sans rien faire sont comptés», a estimé le politologue Iouri Korgouniouk, du fonds Indem.

«Il faut des gens au Parlement capables de répondre à l'opposition», a-t-il ajouté.

M. Gryzlov était tourné en dérision par la presse libérale pour son style d'apparatchik terne très éloigné de l'image d'un leader parlementaire dans une démocratie occidentale.

Il est connu pour avoir déclaré un jour que la Douma n'était «pas un endroit pour faire des débats».

La nouvelle Douma se réunira pour une première séance le 21 décembre, trois jours avant une nouvelle manifestation à Moscou annoncée par l'opposition.

Le président Medvedev, qui a promis des enquêtes sur les accusations de fraudes, a dit qu'il s'adresserait au Parlement le 22 décembre.

La mission d'observateurs de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) avait déclaré après le scrutin avoir relevé de «sérieuses indications de bourrage des urnes».

Les législatives russes et la répression des manifestations qui a suivi ont suscité de vives critiques des États-Unis, de l'UE, de la France et de l'Allemagne en particulier.

La situation doit être évoquée au sommet Russie-UE jeudi à Bruxelles auquel participe M. Medvedev.

M. Poutine doit quant à lui s'exprimer pour la première fois jeudi sur la situation, à l'occasion d'une séance télévisée de questions-réponses avec la population.