Le président russe, Dmitri Medvedev, a promis dimanche une enquête sur les allégations de fraudes après des manifestations sans précédent contestant la victoire aux législatives du parti au pouvoir, Russie Unie, tout en balayant les principales revendications de l'opposition.

«J'ai donné l'ordre de vérifier toutes les informations qui proviennent des bureaux de vote et concernent le respect de la législation électorale», a indiqué M. Medvedev sur sa page Facebook, au lendemain de la mobilisation d'une ampleur jamais vue depuis l'arrivée au pouvoir en 2000 de l'homme fort du pays, le premier ministre Vladimir Poutine.

Le président a cependant parallèlement balayé les principales revendications de l'opposition, qui exige en premier lieu de nouvelles élections législatives.

«Je ne suis d'accord ni avec les slogans ni avec les déclarations des manifestants», a écrit M. Medvedev.

Samedi, le mouvement a réuni à Moscou de 50 000 à 80 000 personnes selon des estimations indépendantes (25 000, selon la police) et des milliers de manifestants dans une cinquantaine d'autres villes.

À Moscou, les rassemblements d'opposants - pour la plupart non autorisés - réunissaient jusqu'à présent en général quelques centaines de personnes.

Ces manifestations ont été organisées pour dénoncer les fraudes qui, selon l'opposition, ont permis au parti Russie unie - dirigé par Vladimir Poutine et dont M. Medvedev était tête de liste - de remporter les élections législatives du 4 décembre.

Les allégations de fraude se multipliant à la suite du scrutin, le président russe avait déjà déclaré qu'il fallait «examiner tous les soupçons d'irrégularités» lors d'un déplacement à Prague jeudi.

Réagissant aussitôt aux déclarations de M. Medvedev, la plupart des partis d'opposition ont fait part de leur mécontentement.

L'ancien ministre Boris Nemtsov a qualifié de «moquerie» ces déclarations. Le leader du parti libéral d'opposition Iabloko, Sergueï Mitrokhine, a, lui, appelé le président à ne pas limiter ses ordres aux réseaux sociaux, mais «à charger le Parquet et le Comité d'enquête d'ouvrir des enquêtes sur les falsifications», selon l'agence de presse Ria Novosti.

«Cette réaction est faible. Je suis déçu. (...) Nous n'avons pas besoin de cela, maintenant il nous faut un recomptage des voix dans certaines grandes régions», a renchéri un député de Russie juste (centre gauche), Guennadi Goudkov.

La manifestation dans la capitale s'est achevée sans la moindre interpellation alors que des dizaines de personnes ont été appréhendées dans d'autres villes du pays.

«Nous allons poursuivre notre mouvement de protestation», a déclaré M. Nemtsov, annonçant de nouvelles manifestations les 17 et 18 décembre, et une grande manifestation le 24 si les exigences de l'opposition ne sont pas satisfaites d'ici là.

Les autorités ont cependant d'ores et déjà refusé d'examiner la question de la démission du président de la commission électorale, une des revendications de l'opposition, qui l'accuse d'avoir orchestré les fraudes.

Pour sa part, Dmitri Peskov, porte-parole de Vladimir Poutine, a qualifié les manifestations de «protestation démocratique d'une partie de la population qui est mécontente des résultats officiels», selon un communiqué.

«Nous respectons le point de vue des manifestants, nous entendons ce qu'ils disent et nous allons continuer à les écouter», a-t-il déclaré.

Par ailleurs, alors qu'elles avaient observé un quasi-black-out depuis le début de la contestation, des chaînes de télévision contrôlées par l'État russe ont ouvert leurs journaux sur ce sujet samedi soir.

Selon une source au Kremlin citée par le principal site russe d'informations en ligne gazeta.ru, cette décision aurait été prise par M. Medvedev, qui aurait également donné pour instruction à la police de Moscou de se comporter avec modération.

Cette mobilisation intervient à moins de trois mois de l'élection présidentielle du 4 mars, à laquelle Vladimir Poutine a annoncé sa candidature pour revenir au Kremlin, où il pourrait rester théoriquement jusqu'en 2024 après avoir y avoir déjà passé huit ans (2000-2008).

«Il n'y a plus aucune confiance envers les dirigeants, c'est une crise politique grave», a estimé Alexeï Malachenko, expert au Centre Carnegie de Moscou.