L'ONG russe Golos qui surveille les fraudes électorales a dénoncé samedi une campagne de «harcèlement orchestrée par le pouvoir» à la veille des législatives de dimanche, disant craindre l'interdiction.

La chef de l'ONG Lilia Chibanova a été retenue samedi à la douane à l'aéroport de Moscou pendant douze heures et a vu son ordinateur confisqué alors que dans les régions, plusieurs militants ont reçu des menaces téléphoniques, ont indiqué samedi des responsables de l'ONG au cours d'une conférence de presse convoquée in extremis.

Ces incidents clôturent une campagne électorale dominée par le parti de Vladimir Poutine Russie unie, favori incontournable des législatives, même si le scrutin pouvait montrer les signes d'une érosion du pouvoir incarné par l'ex-agent du KGB.

«La situation se développe d'après un scénario catastrophique. Cette campagne vise à nous empêcher d'observer les élections», a déclaré Alexandre Kynev, un responsable de Golos.

Washington a d'ores et déjà dénoncé vendredi le «harcèlement systématique» de la part des autorités russes contre Golos qui est financée par des fonds américains.

Mme Chibanova a pour sa part dit samedi «craindre» l'interdiction de l'ONG.

À son arrivée à l'aéroport de Moscou-Cheremetievo dans la nuit, les douaniers ont perquisitionné ses affaires et lui ont confisqué son ordinateur pour vérifier qu'elle n'utilisait pas de logiciel illégal.

Cette ONG qui surveille depuis une décennie les élections en Russie est soumise depuis quelques jours à des pressions sans précédent.

En septembre, Golos a mis en place un site interactif intitulé La carte des fraudes (https://www.kartanarusheniy.ru), où ont été répertoriés plus de 5000 cas de pressions ou irrégularités dans la campagne, pour la plupart imputés au parti au pouvoir Russie unie.

«Cette carte avec des vidéos à l'appui les a rendus fous», a estimé Mme Chibanova.

Dans une vidéo, le gouverneur de la région d'Omsk (Sibérie) Léonid Polejaïev rappelle aux téléspectateurs que la région avait «perdu une usine pétrolière» en 2000 quand «nous avons laissé voter contre Poutine».

Son homologue de la région de Tcheliabinsk Mikhaïl Iourevitch dit aux élus locaux que le parti de Poutine doit obtenir «55% minimum».

Le parti Russie unie dont le président Dmitri Medvedev est tête de liste a vu sa popularité baisser et ne devrait pas parvenir selon les sondages à maintenir son écrasante majorité des deux tiers à la Douma qui lui permet si nécessaire d'amender la Constitution.

Les ennuis pleuvent sur Golos depuis l'intervention du premier ministre Vladimir Poutine le 27 novembre au congrès de Russie unie où il avait fustigé le financement par l'étranger d'ONG russes ayant pour but «d'influencer le cours de la campagne électorale». Il a comparé ces ONG à «Judas».

Le parquet de Moscou a ouvert jeudi une enquête à l'encontre de Golos, l'accusant de propager des «rumeurs».

L'ONG a été condamnée vendredi à une amende de 30.000 roubles (700 euros) pour violation de la loi électorale.

La chaîne de télévision NTV, contrôlée par le géant gazier Gazprom, a pour sa part diffusé vendredi soir un film accusant l'ONG d'agir pour le compte des États-Unis, en noircissant la situation.

«Dans les régions, on appelle nos observateurs et on essaie de les intimider. Les services spéciaux participent dans cette opération», a déclaré Grigori Melnoniants.

Les blogueurs russes se sont dits pour leur part victimes d'une cyberattaque présumée contre la plate-forme populaire LiveJournal, en panne pour la troisième journée consécutive, visant, selon eux, à les empêcher de discuter des élections.

Les principales télévisions étant sous contrôle, l'internet est devenu le principal espace de liberté d'expression en Russie, où sites et blogues se livrent à une critique féroce du pouvoir.