L'opposition a rebaptisé Russie unie «le parti des voleurs et des bandits». Selon les derniers sondages, 53% des Russes sont tout de même prêts à voter pour la formation de Vladimir Poutine aux législatives de demain. Ses supporteurs lui attribuent la relative stabilité que connaît le pays.

En Russie, lorsqu'on produit les publicités électorales d'un parti de l'opposition, mieux vaut couvrir ses arrières. L'agence embauchée par la formation Russie juste à Novossibirsk (2800 km à l'est de Moscou) a été bien claire dans son contrat: elle ne pourrait être tenue responsable si elle n'arrivait pas à diffuser la publicité en raison d'une guerre, d'une épidémie, d'une catastrophe naturelle ou... «des agissements du pouvoir en place.»

Elle avait raison. Quelques jours après leur apparition, les autocollants appelant à voter contre le «parti des voleurs et des bandits» avaient disparu des minibus privés de la capitale sibérienne. Les chauffeurs se disaient victimes d'intimidation de la part des autorités, qui menaçaient soudainement de leur retirer leur licence d'exploitation.

Pour les six partis de l'opposition en lice, il n'y a aucun doute possible: derrière chaque attaque d'un organe étatique contre eux se cache la main de Russie unie, parti majoritaire à la Douma depuis huit ans et dans tous les parlements régionaux du pays.

Bref, entre l'État et le parti, la frontière est presque inexistante. Comme à l'époque soviétique.

Alerte à la fraude

Selon l'opposition, Russie unie se prépare maintenant à falsifier les législatives de demain, car son appui populaire s'effrite. Deux sondages menés au cours des dernières semaines annoncent en effet une perte de 60 sièges pour le parti au pouvoir.

«Les leaders de Russie unie dans notre région ont reçu la mission de garantir au moins 50% des voix au parti», affirme Artiom Skatov, secrétaire de presse du Parti communiste à Novossibirsk et député au parlement régional. «Ils savent que c'est un objectif impossible à atteindre de façon honnête et donc ils utilisent toutes les méthodes illégales pour y parvenir.»

«Si le président [Dmitri Medvedev] et le premier ministre [Vladimir Poutine] ne donnent pas eux-mêmes l'exemple, alors pourquoi les leaders régionaux respecteraient-ils la Loi électorale?», s'interroge Galina Ivanova, directrice de la section sibérienne de l'association Golos, ONG qui défend les droits des électeurs. Elle fait ainsi référence aux longs discours électoraux sur les chaînes étatiques des deux leaders du parti - et du pays - qui ne sont pas comptabilisées comme du temps de publicité électorale payant.

Face à la machine de Russie unie, les cellules locales des partis de l'opposition, à Novossibirsk comme ailleurs, ont signé un pacte de non-agression. «Nous avons tous le même objectif: casser le monopole de Russie unie», explique Artiom Skatov.

Accusations rejetées

La tête de liste de Russie unie à Novossibirsk, Alexander Kareline, rejette toutes les accusations de ses opposants d'un revers de main. À son avis, les «changements radicaux» et les «retours en arrière» que proposent notamment les communistes n'arrivent simplement pas à gagner la faveur de la population, qui craint un retour à l'instabilité qui régnait durant les années suivant la chute de l'URSS.

M. Kareline - triple champion olympique et légende vivante de la lutte gréco-romaine - concède que le système politique actuel n'a pas fini d'évoluer. «La transition doit se faire en douceur, sans révolution» soutient-il toutefois, reprenant la rhétorique de Vladimir Poutine, qui devrait revenir à la présidence en mars prochain. Le pays aurait ainsi encore besoin d'un leader et d'un parti forts, car, «pour l'instant, nos institutions n'arrivent malheureusement pas à fonctionner par elles-mêmes.»

Pour l'opposition, ce constat est surtout la preuve que les huit ans de majorité de Russie Unie ont mené à un renforcement du parti lui-même, plutôt qu'à celui de l'État qu'il est censé servir.

Artiom Skatov croit que Russie unie devra un jour relâcher son monopole politique afin d'éviter le pire. «S'ils ne le font pas à ces élections ou aux suivantes, la société finira par se soulever. En d'autres mots, il y aura une révolution», prédit le jeune communiste 29 ans.