Chargé dimanche soir de succéder à Silvio Berlusconi, Mario Monti, un homme pondéré de 68 ans aux compétences économiques reconnues, se situe aux antipodes du bouillant Cavaliere, accusé d'avoir miné la crédibilité du pays avec ses scandales et ses procès.

Surnommé parfois «le cardinal», Mario Monti s'est taillé une réputation de compétence et d'indépendance comme commissaire européen pendant dix ans (1994-2004).

Européen convaincu, il a affirmé à peine désigné que «l'Italie doit redevenir un élément de force, et non de faiblesse, dans une Union européenne dont nous avons été fondateurs et dont nous devons être protagonistes».

D'allure distinguée mais austère au regard de son Gai-Luron de prédécesseur, cet amateur de vélo reconnaît lui-même qu'il n'est «pas très sociable».

«J'aime beaucoup les blagues, même si je ne suis pas très bon pour me les rappeler et les raconter. Berlusconi a un vrai talent pour les raconter», expliquait-il en 2005 dans une de ses rares interviews.

Nommé sénateur à vie mercredi par le président Giorgio Napolitano, il a déjà été adoubé par la directrice générale du FMI, Christine Lagarde: «C'est un homme de grande qualité avec lequel j'ai toujours eu un dialogue fructueux et extrêmement chaleureux», a-t-elle affirmé.

Très discret depuis que son nom occupe la une des journaux, M. Monti a toutefois au cours des derniers mois multiplié les interventions sur la crise. «Il faut réaliser des réformes impopulaires en unissant les franges plus sensées de chaque parti politique», avançait-il le 23 septembre.

«Je crois qu'une certaine connaissance des problèmes ne nuit pas», a-t-il modestement glissé récemment.

Certains commencent à pointer du doigt le fait qu'il soit depuis 2005 conseiller international de la banque Goldman Sachs, symbole des excès de Wall Street. M. Monti a promis dimanche d'«assainir la situation financière» tout en restant «attentif à l'équité sociale».

Né le 19 mars 1943 à Varese (nord), Mario Monti fait ses armes à la prestigieuse université Bocconi de Milan, considérée comme la meilleure faculté d'économie d'Italie.

Il poursuit ses études aux Etats-Unis à l'université de Yale, où il étudie auprès du prix Nobel James Tobin, père du projet de taxe sur les transactions financières qui porte son nom.

En 1970, il commence à enseigner à l'université de Turin, qu'il quitte en 1985 pour devenir professeur d'économie politique à la Bocconi, où il occupe successivement les postes de directeur de l'Institut d'économie politique, recteur, et enfin président en 1994, une fonction qu'il occupe encore.

En 1994, il est présenté par le premier gouvernement de Silvio Berlusconi pour un poste de commissaire européen au président de la Commission, Jacques Santer, qui lui confie le Marché intérieur.

En 1999, le gouvernement de gauche de Massimo D'Alema le confirme à la Commission, où il reçoit du président, son compatriote Romano Prodi, le très convoité portefeuille de la Concurrence. Il conforte ainsi son image d'homme au-dessus des partis.

Sous son égide, la Commission renforce ses activités antitrust, infligeant une amende de près de 500 millions d'euros à Microsoft, et Mario Monti peaufiné son image de commissaire dur en affaires et «imperméable aux pressions».

Quelle que soit la nature de son interlocuteur, Mario Monti «n'aime pas, quand il y a des règles, avoir l'impression qu'elles sont court-circuitées», assure-t-on dans son entourage. Le commissaire est «un cardinal», «quelqu'un de très difficile à pénétrer».

Très «courtois», cet homme marié depuis 40 ans (à la même femme) et père de deux enfants n'en reste pas moins ferme. «Avec des mots très polis, il vous envoie au bûcher de l'inquisition s'il estime que cela est juste et nécessaire», estime cette source, tout en saluant la compétence du docteur en économie.

Dans un article de février 2000 intitulé «Super Mario», The Economist le présente comme «l'un des plus puissants bureaucrates européens», avant de le décrire comme «un adepte de la persuasion plutôt que de la polémique».

«Il a un tel air d'autorité que même la calvitie n'a pas osé le défier», ironise l'hebdomadaire britannique en allusion à son abondante chevelure poivre et sel.

A l'issue de son séjour à Bruxelles, M. Monti était revenu à ses activités académiques et signait des éditoriaux dans le Corriere della Sera, quotidien de référence en Italie.

Il appartient également au club très fermé du Groupe Bilderberg, qui rassemble une centaine d'hommes politiques, financiers, banquiers de toute la planète.