La crise de la dette agit comme un rouleau compresseur politique en Europe en faisant tomber les uns après les autres les chefs de gouvernements, pris en tenaille entre la forte pression des marchés et l'impopularité de leurs politiques de rigueur.

Silvio Berlusconi, qui a annoncé mardi soir sa future démission, est devenu la victime la plus notable de la crise qui secoue la zone euro depuis deux ans.

«Avec le sien, ce sont dix gouvernements de l'Union européenne qui ont chuté depuis 2010. La crise n'a pas été le seul facteur, mais elle a souvent déclenché la démission ou la tenue d'élections anticipées», indique Jean-Dominique Giuliani, président de la Fondation Schumann.

In fine, ce ne sont pas les retentissants scandales de corruption ou de moeurs qui ont provoqué la chute annoncée du premier ministre italien de droite, mais les pressions devenues insoutenables des marchés et des autres pays européens.

Deux jours plus tôt, son homologue grec, le socialiste Georges Papandréou, également très affaibli politiquement, avait été acculé à la même solution.

Avant lui, la crise qui frappe les gouvernements de droite comme de gauche avait déjà contribué à déstabiliser les chefs de gouvernement du Portugal, d'Irlande, du Royaume-Uni, de Hongrie, du Danemark, de Slovaquie ou de Slovénie.

Et l'Espagnol José Luis Rodriguez Zapatero quittera prochainement le pouvoir après avoir été contraint d'avancer la date des élections législatives, qui se tiendront sans lui le 20 novembre.

Dans les autres pays de la zone euro, comme la France ou les Pays-Bas, les gouvernements sont confrontés à une défiance de l'opinion qui annonce des lendemains électoraux difficiles. En Allemagne, la chancelière Angela Merkel est moins impopulaire que ses homologues, mais elle reste à la merci d'un vote négatif du parlement, devant lequel elle a l'obligation de présenter les décisions importantes sur la crise de la dette.

«La zone euro est maintenant confrontée en même temps à des crises politique, économique, financière et institutionnelle», estime l'analyste Sony Kappor de l'institut Re-Define.

La crise «pourrait durer encore deux ans, mais ses implications économiques seront avec nous pour les dix à quinze années à venir», prévient de son côté Jan Techau, directeur du centre d'études Carnegie Europe.

Cet expert s'inquiète en particulier de la montée du populisme, notable dans plusieurs pays comme la Hongrie, le Danemark, les Pays-Bas ou la France.

Mais, dans le même temps, «les citoyens réclament de leurs dirigeants des programmes sérieux et crédibles», ce que n'offrent pas les mouvements populistes, souligne M. Giuliani.

Il remarque ainsi que les nécessités économiques imposent le pragmatisme aux responsables politiques. «Au Portugal ou en Irlande, l'opposition avait vivement critiqué les politiques de rigueur, mais, une fois arrivée au pouvoir, elle les a appliquées encore plus strictement», selon lui.

C'est dans ce contexte que l'opposition de droite en Grèce a finalement donné dimanche son accord à un gouvernement de coalition qui pourrait être dirigé par une personnalité au-dessus des partis.

La formation d'un gouvernement d'union nationale est également envisagée en Italie avec la bénédiction des marchés.

«L'entrée en jeu de technocrates, en attendant de nouvelles élections, pourrait être utile pour remettre le navire Italie sur la bonne route», estime Hugo Brady, expert au Centre for European Reform.

Malgré les fortes pressions économiques, les dirigeants politiques devraient saisir l'opportunité de réinventer le mode de gouvernance de l'Europe, qui «est en crise», selon M. Giuliani.