«Je suis révolutionnaire de profession»: Ilich Ramirez Sanchez, alias Carlos, s'est ainsi présenté lundi devant la cour d'assises spéciale de Paris, qui le juge pour quatre attentats qui, il y a près de 30 ans, ont fait en France onze morts et quelque 150 blessés.

Ventripotent, front dégarni et barbe blanche, l'homme qui s'attribue «1500 à 2000 morts» avait davantage l'air, dans son box, d'un retraité tranquille que d'un dangereux révolutionnaire jugé pour des «actes de terrorisme».

Tantôt accoudé à la vitre du box, tantôt en discussion avec son escorte, tantôt assis en toute décontraction, le Vénézuélien de 62 ans donnait l'impression d'être à la cour d'assises comme d'autres sont au spectacle. Un indéfectible sourire aux lèvres, il semblait se croire le maître des lieux.

Reconnaissant des soutiens, celui qui avait pris la posture d'un défenseur de la cause palestinienne dans les années 1970 les salue en brandissant le poing. Un mot sur «l'État raciste» d'Israël soulève des applaudissements immédiats.

«Ca se passe exactement comme on nous l'avait dit», réagit Philippe Rouault, grièvement blessé lors de l'attentat de la rue Marbeuf à Paris en 1982, imputé à Carlos: «il est joueur, il est révolutionnaire».

Les deux avocats de Carlos ont dénoncé «un procès inéquitable». Jugeant qu'ils ne pouvaient «se mettre en faillite» en défendant gratuitement leur client abandonné par le Venezuela, Mes Isabelle Coutant-Peyre et Francis Vuillemin ont déclaré qu'ils se retiraient du procès. Mais le président de la cour Olivier Leurent les a immédiatement commis d'office.

Le président vénézuélien Hugo Chavez a lui jugé que Carlos a été en son temps le «digne héritier des plus grandes luttes» pour les peuples. M. Chavez a également demandé à son ministre des Affaires étrangères Nicolas Maduro de s'enquérir de la situation actuelle de Carlos pour que le gouvernement «assume sa responsabilité» et veille au respect de tous ses droits.

A Paris, la cour a également refusé, pour l'instant, de rejeter les rapports des services secrets hongrois, roumains et est-allemands concernant l'accusé, comme le réclame la défense.

En revanche, elle a donné raison à Carlos en jugeant irrecevable la constitution de partie civile de la Fenvac, une association de victimes qui n'a étendu que très récemment sa compétence aux actes de terrorisme.

Avocat de plusieurs parties civiles, Me Paul-Albert Iweins a brocardé les discours révolutionnaires «un peu dépassés» de Carlos.

«Je m'aperçois que je suis renvoyé aux années 1970, aux meetings anti-impérialistes», a-t-il moqué. A présent, a-t-il averti, «il va falloir que Carlos prenne conscience qu'il n'est pas ici pour faire la révolution mais pour répondre de ses actes».

Ilich Ramirez Sanchez nie être à l'origine des quatre attentats qui lui sont imputés par la justice française. Interpellé au Soudan en 1994, il a déjà été condamné en 1997 à la prison à vie pour le meurtre en 1975 à Paris de trois hommes, dont deux policiers.

Carlos est accusé d'avoir orchestré quatre attentats afin d'obtenir la libération de sa compagne allemande Magdalena Kopp et du Suisse Bruno Bréguet, deux membres de son groupe arrêtés à Paris en février 1982 avec armes et explosifs.

Le 29 mars 1982, une bombe a explosé dans un train Paris-Toulouse (sud-ouest), faisant cinq morts et 28 blessés. Le 22 avril de la même année, l'explosion d'une voiture piégée devant le siège du magazine Al Watan Al Arabi, rue Marbeuf à Paris, a tué une passante et fait 66 blessés.

Le 31 décembre 1983, deux attaques terroristes ont visé la gare Saint-Charles à Marseille, dans le sud-est de la France (2 morts et 33 blessés), et le TGV Marseille-Paris à Tain-L'Hermitage (3 morts et 12 blessés).

Trois autres membres du groupe Carlos sont jugés par défaut: Johannes Weinrich, l'ancien bras droit de Carlos, détenu en Allemagne et que Berlin a refusé de livrer à la justice française, ainsi que Christa Frohlich et Ali Kamal Al Issawi, tous deux en fuite.

Magdalena Kopp, qui a épousé Carlos en 1991, a fait savoir qu'elle ne viendrait pas au procès car, écrit-elle dans un courrier, il lui est «impossible de témoigner pour ou contre (s)on conjoint et père de (leur) fille».

Verdict le 16 décembre.