-ANALYSE- Le président français Nicolas Sarkozy peut-il espérer tirer profit dans les sondages, voire dans les urnes, de la naissance de sa fille mercredi? La plupart des spécialistes affirment que non, mais il est loin d'être clair que le message est tenu pour acquis à l'Élysée.

«Je pense que l'effet sur sa cote de popularité sera relativement limité, voire inexistant. Ça peut jouer d'un côté en humanisant un personnage qui est jugé dur, volontariste, mais ça peut aussi venir accentuer l'impression de «peopolisation» de la vie politique. Vouloir trop jouer là-dessus pourrait produire l'effet contraire à celui qui est souhaité», estime Damien Philippot, directeur d'études à l'Institut français d'opinion publique (IFOP).

Un précédent est survenu en 1995 lorsque le gouvernement tentait de faire passer une délicate réforme sociale. Le premier ministre de l'époque, Alain Juppé, a tenté de médiatiser la naissance de sa fille pour adoucir son image de «technocrate», mais le procédé «n'a pas fonctionné du tout», relate l'analyste.

De manière générale, dit-il, les sondages montrent que la population s'intéresse peu à la vie privée des politiciens. «C'est valable aussi bien pour leurs frasques personnelles que pour des événements heureux comme un accouchement», relève M. Philippot.

Les Français, ajoute le représentant de l'IFOP, reprochent d'abord et avant tout à Nicolas Sarkozy de ne pas avoir respecté ses promesses électorales, en particulier sur le pouvoir d'achat. Ils sont aujourd'hui «extrêmement inquiets» de l'évolution de la situation économique et attendent, plus que tout, des actions efficaces sur ce plan.

Stéphane Rozès, politicologue de la société de conseil CAP, prévient dans la même veine que Nicolas Sarkozy paiera un lourd prix s'il tente de tirer profit d'un événement privé pour faire mousser sa popularité auprès de la population. Dans la «monarchie républicaine», le président doit savoir «préserver sa fonction au-dessus de sa personne», a-t-il déclaré au quotidien Le Figaro.

Discrétion nouvelle

Le chef d'État, rappelle M. Rozès, avait été sanctionné dans les sondages en raison de la médiatisation de sa rencontre et des premiers mois de sa relation avec Carla Bruni, chanteuse et ex-mannequin.

Son équipe de communications a tenté par la suite de rehausser le caractère «présidentiel» du chef d'État, qui est moins présent au jour le jour dans les querelles politiques françaises et sensiblement plus discret sur sa vie privée.

L'Élysée avait rapidement fait savoir, dans cette veine, que la grossesse de la première dame française ou l'accouchement ne feraient l'objet d'aucun commentaire officiel.

Le président français, qui était en déplacement hier, a semblé vouloir marteler le point en déclarant paradoxalement en public qu'il vivait une joie «d'autant plus profonde qu'elle est privée».

Dans les derniers mois, Carla Bruni a accordé pour sa part plusieurs entrevues aux médias dans lesquelles elle abordait sa grossesse tout en cherchant officiellement à en minimiser l'importance.

Une attitude plutôt ambiguë, relève M. Philippot. «Ce n'est pas très clair. On semble naviguer entre deux stratégies», relève l'analyste.

Les détracteurs de Nicolas Sarkozy pensent qu'il espère tirer profit politiquement de la naissance de son enfant sans avoir l'air de le faire pour ne pas susciter l'ire du public.

«Comment présidentialiser l'hôte de l'Élysée qui peine tant à s'installer sur le trône, à occuper la place du père? Comment casser cette image d'éternel agité, incapable de se poser? Comment le lester et donner l'impression aux Français qu'il peut encore durer? Carla», a souligné en mai dernier un journaliste du Nouvel Observateur, Serge Raffy, en commentant la nouvelle de la grossesse.

La transformation de la femme de Nicolas Sarkozy en «reine mère» peut peut-être «sauver le président en perdition», s'est irrité le chroniqueur, qui a prédit une séquence médiatique tirée de «Disneyland».