Elle avait été le phénomène de la présidentielle de 2007: originale, fonceuse, indépendante. Mais cinq ans après être arrivée au second tour, la socialiste Ségolène Royal est la grande perdante de la primaire de son parti. Comme si un lien s'était définitivement cassé avec les Français.

«Quelque chose s'est levé qui ne s'arrêtera pas». Quelques minutes après sa défaite face à Nicolas Sarkozy le 6 mai 2007, Mme Royal était apparue radieuse devant ses partisans, sûre de se propulser vers «d'autres victoires».

Mais depuis, sa cote de popularité n'a cessé de baisser. Jusqu'à finir quatrième au premier tour dimanche de la primaire socialiste, loin derrière son ancien compagnon François Hollande favori des sondages pour la présidentielle de 2012 arrivé en tête et même le «jeune» Arnaud Montebourg, à la gauche du parti.

Que s'est-il passé pour celle qui en 2007 avait séduit les militants socialistes face aux caciques du parti et 17 millions de Français avec ses coups d'éclat, ses libertés avec le dogme socialiste, son intuition, sa fraîcheur prisée des télévisions et ses tenues féminines ?

«La magie n'opère plus, c'est comme ça. Durant cette crise très grave, il faut quelqu'un capable de tenir les manettes du pays, or elle n'a pas de crédibilité présidentielle, l'effet nouveauté ne joue plus et elle n'arrive pas à se positionner», résumait Gérard Grunberg universitaire spécialiste du PS, à la veille ce premier tour.

Dès 2007, les ténors du parti avaient parlé de «l'illusion» Ségolène Royal, dont l'apparition sur le devant de la scène avait été fulgurante, critiquant ses approximations sur certains sujets économiques et raillant ses gaffes sur des questions internationales.

Depuis, cette femme de 58 ans, mère de quatre enfants, a stupéfié lors d'un meeting politique aux accents mystiques sur le thème de la fraternité. Généré le malaise en demandant «pardon» au nom de la France après des déclarations de Nicolas Sarkozy sur l'homme africain ou le chef du gouvernement espagnol.

Et surtout été au coeur des déchirements au sein du PS lors de la bataille pour la direction du parti au cours de laquelle elle a dénoncé un complot pour l'évincer et des tricheries (novembre 2008).

«Les positions qu'elle a prises depuis 2007 ont conforté une partie des critiques. Son procès en incompétence s'est confirmé auprès d'une partie de la population. (Et) elle n'a pas été dans l'union, elle ne permet pas de s'inscrire dans un combat collectif», analyse Jean-Daniel Levy de l'institut de sondage Harris-Interactive.

Ces derniers mois, elle a pourtant assuré avoir «gagné en maturité en profondeur» et «analysé» ses forces et ses faiblesses, opérant une quasi-retraite dans la région du Poitou-Charente (ouest) qu'elle préside et dont elle a fait un laboratoire de ses idées (de la voiture électrique à la banque pour les petites et moyennes entreprises).

Avant de repartir en campagne, toujours aussi pugnace, multipliant les déplacements en misant sur les banlieues qui l'avaient plébiscitée en 2007 et mettant en avant son expérience d'ancien ministre ou la force de ses propositions reprises dans le programme socialiste - sur la sécurité, thème auparavant tabou au PS, ou la «démocratie participative».

«Je prends acte du résultat très décevant par rapport à la magnifique campagne», a-t-elle concédé dimanche soir après sa défaite, ajoutant qu'elle donnerait «prochainement» des consignes de vote pour le second tour.

Adorée ou détestée comme personne au PS, Ségolène Royal souffre de ce que les déçus ou les rivaux qualifient de «versatilité».

«Ségolène a de l'intuition, parfois des idées d'avant-garde, elle est proche du terrain et des gens. Mais elle est trop imprévisible. Il y a avec elle un sentiment d'incertitude, on n'est pas sûr de ce qu'elle va sortir (...) ce qui fait hésiter à la suivre aveuglement», explique une militante socialiste de 38 ans.