Grand policier à l'ancienne, chasseur de truands auréolé de succès, Michel Neyret avait servi de modèle l'an dernier pour le personnage d'un film policier. Il dort aujourd'hui en prison, soupçonné d'avoir basculé vers la complicité avec le grand banditisme.

La chute du numéro deux de la police judiciaire de Lyon, suspendu mardi par le ministre de l'Intérieur après avoir été inculpé de corruption, trafic de drogue, trafic d'influence, association de malfaiteurs, violation du secret professionnel, et placé en détention, a provoqué un séisme dans la police française.

Ce quinquagénaire aux allures de play-boy, passionné de son métier et grand amateur de soirées «jet-set», est notamment accusé d'avoir détourné du cannabis au profit d'informateurs en s'affranchissant de toutes les règles existantes et d'avoir accepté des cadeaux offerts par des proches du milieu.

Lors de sa garde à vue, il a concédé des «imprudences», comme un voyage à Marrakech payé par une figure de la nuit lyonnaise, mais a nié avoir sciemment franchi la frontière qui sépare le travail de terrain de la connivence avec les voyous.

C'est en enquêtant sur un réseau de trafic de drogue importée de Colombie dans la région parisienne que les policiers sont tombés sur le nom de leur collègue, évoqué dans des écoutes téléphoniques. Après une enquête menée dans le plus grand secret, ils l'ont interpellé jeudi.

Son épouse Nicole Marcellin a également été inculpée de recel de corruption et association de malfaiteurs, mais a été  laissée en liberté.

D'autres policiers de la région de Lyon, dont le patron de la brigade de recherche et d'intervention de Lyon et le chef de la police judiciaire de Grenoble, devaient être présentés au juge mardi.

Lâché par sa hiérarchie, Michel Neyret conserve l'estime de certains collègues qui refusent de croire qu'il a pu tirer un profit personnel de ses liaisons dangereuses avec les truands et soulignent que pour être efficace, la police doit parfois savoir se salir les mains.

«Historiquement, tous les grands flics ont eu des contacts avec le milieu du grand banditisme. On n'a pas des informations avec des anges gardiens», a déclaré Daniel Guichot, l'ancien chef de la brigade antigang de Lyon.

Mais depuis 2004, une loi fixe en France les règles des rapports des policiers avec les indicateurs et les conditions de leur rémunération. Ces règles «suffisent», a estimé le ministre de l'Intérieur Claude Guéant. «Il y a une ligne jaune qu'il ne faut jamais franchir, c'est celle de la compromission».

Le ministre a cependant reconnu que Michel Neyret «était considéré comme un très grand flic, très efficace», ajoutant que «la police souffre» de cette affaire qui ternit son image.

«Michel Neyret fait sans doute partie du dernier quarteron de flics à l'ancienne (...) qui sont capables non pas de réciter l'état civil d'un voyou en tapotant sur le clavier d'un ordinateur, mais de vous raconter sa vie, ses habitudes, ses relations, ses maîtresses avec des anecdotes et des péripéties. Ce genre de détails qu'on trouve généralement dans les polars. Et cela nécessite de côtoyer les voyous», raconte l'ancien policier Georges Moréas sur son blogue «police et cetera» (moreas.blog.lemonde.fr).

Le cinéaste Olivier Marchal, ancien policier lui aussi, s'est inspiré du personnage de Michel Neyret pour un film sur le célèbre «gang des Lyonnais» qui écuma l'est de la France dans les années 1970, à sortir dans quelques semaines, et a bénéficié des conseils techniques du superflic.