Deux Françaises portant le niqab ont été condamnées jeudi à des amendes par la justice française, premier procès du genre depuis l'entrée en vigueur d'une loi interdisant le port du voile intégral en public le 11 avril dernier.

Les deux femmes étaient venues intégralement voilées le 5 mai devant la mairie de Meaux, une petite ville de la banlieue parisienne dirigée par un ténor de la majorité parlementaire, Jean-François Copé, secrétaire général du parti UMP.

Hind Ahmas, 32 ans, et Najate Naït Ali, 36 ans, ont été condamnées à payer respectivement 120 et 80 euros (166 et 111$) par le tribunal de police de Meaux. Arrivées en retard, les deux femmes n'ont pu assister au délibéré. Lors de l'audience tenue au printemps, l'une d'elles n'avait pu pénétrer dans le tribunal car elle refusait d'ôter son voile intégral et montrer son visage.

Selon leur avocat, Yann Gré, les deux femmes vont faire appel et sont prêtes à porter l'affaire devant la Cour Européenne des Droits de l'Homme.

«Nous avons été condamnées en appliquant une loi qui viole le droit européen. Pour nous, la question n'est pas le montant de l'amende mais le principe. Nous ne pouvons accepter que des femmes soient condamnées au motif qu'elles vivent librement leur conviction religieuse», a martelé Hind Ahmas.

La jeune femme qui vit à Aulnay-sous-Bois (en banlieue parisienne) a expliqué devant la presse que «c'est une demi-victoire». «On pourra parler de victoire quand la loi sera annulée définitivement», a-t-elle insisté.

«Le fait d'être condamnée est le point de départ pour faire les recours nécessaires en cour de cassation et pour saisir la Cour Européenne des Droits de l'Homme», a-t-elle ajouté, précisant que cette «condamnation était un but» et que «le combat n'est pas fini».

Plusieurs femmes ont déjà été verbalisées en pleine rue par la police et des procédures sont en cours contre d'autres.

Les deux condamnées étaient soutenues par plusieurs autres femmes en niqab, dont Kenza Drider, qui a annoncé qu'elle souhaitait se présenter à la présidentielle de 2012.

La France est le premier pays européen à avoir procédé à une interdiction généralisée du port du voile intégral en public, qui concernerait quelque 2000 femmes dans le pays. La Belgique a suivi la France de quelques semaines, et les Pays-Bas ont annoncé tout récemment leur intention de faire de même.

La loi française interdit de se dissimuler le visage -avec un voile, un casque ou une cagoule- dans l'espace public, c'est-à-dire la rue, les jardins publics, les gares ou les commerces.

Si les forces de l'ordre n'ont pas le pouvoir de faire ôter leur voile aux récalcitrantes, ces dernières encourent une peine maximale de 150 euros (208$) d'amende et/ou un «stage de citoyenneté».

De nombreux musulmans se sont opposés à cette loi, initiée par un parlementaire communiste et ensuite reprise par la majorité parlementaire conservatrice qui a été accusée de stigmatiser toute une communauté, estimée en France à entre 4 et 6 millions de personnes, soit la plus importante d'Europe.

Les prières de fidèles musulmans dans la rue sont par ailleurs interdites depuis la mi-septembre après la décision des autorités françaises visant à mettre un terme à cette pratique devenue objet de polémiques politiques.

Les musulmans qui, faute de lieu approprié, prient dans les rues de quelques villes de France, faisaient l'objet depuis plusieurs mois de critiques de la chef de l'extrême droite Marine Le Pen et de plusieurs responsables du parti présidentiel de droite UMP.

Mme Le Pen avait soulevé un tollé en décembre en semblant faire un parallèle entre ces «prières de rue» et l'occupation de la France par l'armée allemande pendant la Seconde Guerre mondiale.