La Commission européenne a proposé vendredi d'encadrer strictement le rétablissement des contrôles aux frontières de l'espace Schengen sans passeport, s'attirant déjà les foudres des États qui aujourd'hui en décident à leur guise et refusent une mainmise de Bruxelles.

L'exécutif européen a dû cependant céder également à la pression de pays comme la France qui réclamaient de pouvoir élargir le champ de possibilités permettant de rétablir de façon temporaire des contrôles aux frontières nationales.

Actuellement, les pays de l'espace Schengen, créé en 1995, peuvent le faire de leur propre chef en cas de menaces terroristes ou de grands événements comme un sommet de chefs d'État ou une compétition sportive.

À l'avenir, cela sera aussi possible en cas d'un afflux inattendu et important d'immigrants faisant peser un risque à la sécurité nationale, ou lorsqu'un État est jugé défaillant dans la surveillance de ses frontières, selon les propositions de la Commission. Deux points critiqués par les écologistes européens qui y voient un danger de «stigmatisation des migrants».

Ce mécanisme, de facto une clause d'exclusion temporaire, vise sans les nommer des pays comme la Grèce: sa frontière avec la Turquie, longue de quelque 150 kilomètres est devenue le principal point de passage des clandestins vers l'UE, avec près de la moitié des entrées illégales enregistrées en Europe.

Le débat a aussi été alimenté par le bras de fer au printemps entre l'Italie et la France au sujet de plusieurs milliers de migrants tunisiens que Rome avait laissé se rendre chez son voisin après la «Révolution du jasmin».

Furieux, le gouvernement français avait alors organisé des contrôles ciblés dans les trains à sa frontière pour stopper ceux qui n'étaient pas en règle.

En contrepartie de ces nouvelles possibilités de rétablissement des contrôles, Bruxelles veut «européaniser» ces décisions.

Plus question pour les États d'agir à leur guise. Ils devraient demander une autorisation à la Commission, qui refuse des «initiatives nationales unilatérales», et justifier dans le détail leurs requêtes.

Dans des «situations d'urgence», les gouvernements pourraient encore rétablir les contrôles sans feu vert préalable de Bruxelles, mais pendant une période limitée à 5 jours.

Schengen est devenu «un projet pleinement européen» et c'est pourquoi «nous pensons que la décision devrait être prise au niveau européen», a argumenté la commissaire chargée des questions d'immigration, Cecilia Malmström, à l'origine de la proposition, qui s'attend à un débat «intense».

«C'est inacceptable, une situation d'urgence dure par définition plus que cinq jours», proteste un diplomate européen.

La France, l'Allemagne et l'Espagne mènent déjà la fronde contre ces propositions, qui devront encore recevoir l'aval des pays de l'UE et du Parlement européen et seront donc sans doute amendées au final.

«C'est aux États de maintenir l'ordre public et d'assurer leur sécurité intérieure» et pas à Bruxelles, ont prévenu cette semaine les ministres de l'Intérieur des trois pays, Claude Guéant, Hans-Peter Friedrich et Antonio Camacho.

La proposition de la Commission, qui devait à l'origine être présentée mardi, a été reportée semble-t-il à dessein à vendredi, pour intervenir au lendemain des élections législatives au Danemark, où la question des contrôles aux frontières est politiquement très sensible.

Sous pression de l'extrême droite, le pays a récemment réinstauré des contrôles douaniers, une décision vivement critiquée par Bruxelles et d'autres pays de l'UE, notamment l'Allemagne.